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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

moment où le Solide allait y pénétrer, apparut un trois-mâts qui, par la route qu’il tenait, annonçait devoir visiter le littoral au sud, ce que se promettait de faire le capitaine Marchand. Cette découverte engagea le navigateur français à gagner aussitôt les côtes de la Chine, afin de s’y défaire de sa cargaison, avant que le vaisseau qu’il venait d’apercevoir eût eu le temps de s’y rendre et de lui faire concurrence.

La meilleure route à suivre était celle des îles Sandwich, et, le 5 octobre, les Français purent apercevoir les sommets des Mauna-Loa et Mauna-Koa entièrement libres de neige, — ce qui est en contradiction formelle avec l’assertion du capitaine King.

Dès que l’île O-Whyhee eut été reconnue, Marchand prit le sage parti de faire tous ses achats sous voiles. Il tira de cette île des cochons, des volailles, des cocos, des bananes et d’autres fruits, parmi lesquels on fut heureux de reconnaître des citrouilles et des melons d’eau, provenant sans doute des graines semées par le capitaine Cook.

Quatre jours furent consacrés à l’acquisition de ces rafraîchissements ; puis on suivit la route de la Chine en prenant connaissance de Tinian, l’une des Mariannes.

On se rappelle combien était enchanteur le tableau tracé de cette île par le commodore Anson. Byron, avons-nous dit, avait été tout étonné de lui trouver un aspect tout différent. C’est qu’une cinquantaine d’années auparavant, Tinian était florissante et comptait trente mille habitants. Mais une maladie épidémique, apportée par les conquérants espagnols, avait décimé la population, dont les misérables restes furent bientôt arrachés à cette terre pour être transportés à Guaham.

Marchand ne débarqua pas à Tinian, dont la nature sauvage avait repris possession, au dire de tous les voyageurs qui y avaient relâché depuis Byron, et il manœuvra pour prendre connaissance de la pointe méridionale de Formose.

À Macao, qu’il avait atteinte le 28 novembre, Marchand apprit des nouvelles qui le déconcertèrent. Le gouvernement chinois venait de prohiber, sous les peines les plus sévères, toute introduction de fourrures dans les ports du midi de l’empire. Était-ce une clause ignorée de quelque traité secret conclu avec la Russie ? Cette défense était-elle due à l’avarice et à la cupidité de quelques mandarins ? On ne sait ; mais ce qui est certain, c’est qu’il était absolument impossible de l’enfreindre.

Marchand écrivit aux représentants de la maison Baux, à Canton. La même