Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
315
LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

Après une entrevue avec les naturels, trop courte pour ajouter aux renseignements, si nombreux et si précis, que nous devons au capitaine Cook, d’Entrecasteaux fit route pour l’archipel des Amis, que La Pérouse avait dû visiter. Il mouilla dans la rade de Tonga-Tabou. Les navires furent aussitôt entourés d’une foule de pirogues et littéralement pris à l’abordage par une masse d’insulaires, qui venaient vendre des cochons et des fruits de toute espèce.

Un des fils de Poulao, le roi que Cook avait connu, accueillit les navigateurs bienveillamment et surveilla même scrupuleusement les échanges que l’on fit avec les indigènes. Ce n’était pas une tâche facile, car ceux-ci déployaient une adresse merveilleuse pour voler tout ce qui se trouvait à leur portée.

La Billardière raconte un assez bon tour dont il fut victime. Il avait été suivi, sous la tente où étaient déposés les approvisionnements, par deux indigènes qu’il avait pris pour des chefs.

« L’un d’eux, dit-il, montra le plus grand empressement à me choisir les meilleurs fruits. J’avais mis mon chapeau par terre, le croyant dans un lieu sûr ; mais ces deux filous faisaient leur métier. Celui qui était derrière moi fut assez adroit pour cacher mon chapeau sous ses vêtements, et il s’en alla avant que je m’en fusse aperçu ; l’autre ne tarda pas à le suivre. Je me méfiais d’autant moins de ce tour, que je n’eusse pas cru qu’ils osassent s’emparer d’un objet aussi volumineux, au risque d’être surpris dans l’enceinte où nous les avions laissés entrer ; d’ailleurs, un chapeau ne pouvait être que d’une bien faible utilité pour ces peuples, qui ont ordinairement la tête nue. L’adresse qu’ils avaient mise à me voler me prouva que ce n’était pas leur coup d’essai. »

Les Français furent en relations avec un chef qu’ils nomment Finau. C’est sans doute celui dont il est question, sous le nom de Finaou, dans le voyage du capitaine Cook, qu’il appelait Touté. Mais celui-ci n’était qu’un chef secondaire. Le roi, le chef suprême de Tonga-Tabou, de Vavao, d’Annamooka, avait nom Toubau. Il vint visiter les vaisseaux, et rapporta un fusil qui avait été enlevé, quelques jours avant, à une sentinelle. Il fit présent à d’Entrecasteaux de deux pièces d’étoffe d’écorce de mûrier à papier, si grandes, que chacune d’elles, étant déployée, eût facilement couvert le vaisseau ; puis, ce furent des nattes et des cochons, en échange desquels on lui fit cadeau d’une belle hache et d’un habit rouge de général, dont il se revêtit sur-le-champ.

Deux jours après, une femme, d’un embonpoint extraordinaire, âgée d’au moins cinquante ans, et à laquelle les naturels donnaient des marques de respect extraordinaire, se fit conduire à bord. C’était la reine Tiné. Elle goûta à tous les mets qu’on lui offrit, mais donna la préférence aux bananes confites.