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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

d’Oyolava entourèrent bientôt les deux frégates, et offrirent aux navigateurs les productions multiples de leur île. Suivant toute apparence, les Français étaient les premiers à commercer avec ces peuples, qui n’avaient aucune connaissance du fer, car ils préféraient de beaucoup un seul grain de rassade à une hache ou à un clou de six pouces. Parmi les femmes, certaines avaient une physionomie agréable ; leur taille était élégante ; leurs yeux, leurs gestes annonçaient de la douceur, tandis que la physionomie des hommes indiquait la fourberie et la férocité.

L’île de Pola, devant laquelle l’expédition passa le 17 décembre, appartenait encore à l’archipel des Navigateurs. Il faut croire que la nouvelle du massacre des Français y était parvenue, car aucune pirogue ne se détacha du rivage pour accoster les vaisseaux.

Le 20 décembre, furent reconnues l’île des Cocos et l’île des Traîtres de Schouten. Cette dernière est divisée en deux par un canal dont l’existence aurait échappé aux navigateurs, s’ils n’eussent prolongé l’île de très près. Une vingtaine de pirogues vinrent apporter aux navires les plus beaux cocos que La Pérouse eût jamais vus, quelques bananes, des ignames et un seul petit cochon.

Les îles des Cocos et des Traîtres, que Wallis place d’un degré treize minutes trop à l’ouest, et qu’il désigne sous les noms de Boscawen et Keppel, peuvent être également rattachées à l’archipel des Navigateurs. La Pérouse considère les habitants de cet archipel comme appartenant à la plus belle race de la Polynésie. Grands, vigoureux, bien faits, ils l’emportaient par la beauté du type sur ceux des îles de la Société, dont la langue ressemblait beaucoup à la leur. En toute autre circonstance, le commandant serait descendu dans les belles îles d’Oyolava et de Pola ; mais la fermentation était encore trop grande, le souvenir des événements de Maouna trop récent, pour qu’il n’eût pas à craindre de voir s’élever, sous le prétexte le plus futile, une rixe sanglante, qui aurait aussitôt dégénéré en massacre.

« Chaque île que nous apercevions, dit-il, nous rappelait un trait de perfidie de la part des insulaires ; les équipages de Roggewein avaient été attaqués et lapidés aux îles de la Récréation, dans l’est de celles des Navigateurs ; ceux de Schouten, à l’île des Traîtres, qui était à notre vue, et au sud de l’île de Maouna, où nous avions été, nous-mêmes, assassinés d’une manière si atroce.

« Ces réflexions avaient changé nos manières d’agir à l’égard des Indiens. Nous réprimions par la force les plus petits vols et les plus petites injustices ; nous leur montrions, par l’effet de nos armes, que la fuite ne les sauverait pas de