Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

Kamtschatka en 1741, au retour d’une expédition faite par ordre du tsar, dans le but de relever les côtes d’Amérique. Ses compatriotes firent placer sur son tombeau une plaque de cuivre gravée, et rendirent le même hommage au capitaine Clerke, le second et le successeur du capitaine Cook.

« La baie d’Avatscha, dit La Pérouse, est certainement la plus belle, la plus commode, la plus sûre qu’il soit possible de rencontrer dans aucune partie du monde. L’entrée en est étroite, et les bâtiments seraient forcés de passer sous le canon des forts qu’on y pourrait établir ; la tenue y est excellente ; le fond est de vase ; deux ports vastes, l’un sur la côte de l’est, l’autre sur celle de l’ouest, pourraient recevoir tous les vaisseaux de la marine de France et d’Angleterre. »

Le 20 septembre 1787, la Boussole et l’Astrolabe mirent à la voile. M. de Lesseps, vice-consul de Russie, qui avait jusqu’alors accompagné La Pérouse, était chargé de gagner la France par terre, voyage aussi long que pénible, — à cette époque surtout, — et de transporter à la cour les dépêches de l’expédition.

Il s’agissait maintenant de retrouver une terre découverte par les Espagnols en 1620. Les deux frégates croisèrent sous 37° 30’ l’espace de trois cents lieues, sans en découvrir aucune trace, coupèrent la ligne pour la troisième fois, passèrent sur la position donnée par Byron aux îles du Danger sans les apercevoir, et eurent connaissance, le 6 décembre, de l’archipel des Navigateurs, dont la découverte était due à Bougainville.

Plusieurs pirogues entourèrent aussitôt les deux bâtiments. Les naturels qui les montaient n’étaient pas pour donner à La Pérouse une bonne idée de la beauté des insulaires.

Je ne vis que deux femmes, dit-il, et leurs traits n’avaient pas de délicatesse. La plus jeune, à laquelle on pouvait supposer dix-huit ans, avait, sur une jambe, un ulcère dégoûtant. Plusieurs de ces insulaires avaient des plaies considérables, et il serait possible que ce fût un commencement de lèpre, car je remarquai parmi eux deux hommes dont les jambes ulcérées et aussi grosses que le corps ne pouvaient laisser aucun doute sur le genre de leur maladie. Ils nous approchèrent avec crainte et sans armes, et tout annonce qu’ils sont aussi paisibles que les habitants des îles de la Société ou des Amis. »

Le 9 décembre, l’ancre tombait devant l’île de Maouna. Le lendemain, le lever du soleil annonçait une belle journée. La Pérouse résolut d’en profiter pour visiter le pays, faire de l’eau et appareiller ensuite, car le mouillage était trop mauvais pour qu’on y passât une seconde nuit. Toutes les précautions prises,