la seule partie du globe qui eût échappé à l’activité infatigable du capitaine Cook, et nous devons peut-être au funeste événement qui a terminé ses jours le petit avantage d’y avoir abordé les premiers.
« Cinq petites anses forment le contour de cette rade (la baie Ternay) ; elles sont séparées entre elles par des coteaux couverts d’arbres jusqu’à la cime. Le printemps le plus frais n’a jamais offert en France des nuances d’un vert si vigoureux et si varié… Avant que nos canots eussent débarqué, nos lunettes étaient tournées vers le rivage, mais nous n’apercevions que des cerfs et des ours qui paissaient tranquillement sur le bord de la mer. Cette vue augmenta l’impatience que chacun avait de descendre… Le sol était tapissé des mêmes plantes qui croissent dans nos climats, mais plus vertes et plus vigoureuses ; la plupart étaient en fleur.
« On rencontrait à chaque pas des roses, des lis jaunes, des lis rouges, des muguets et généralement toutes les fleurs de nos prés. Les pins couronnaient le sommet des montagnes ; les chênes ne commençaient qu’à mi-côte et ils diminuaient de grosseur et de vigueur à mesure qu’ils approchaient de la mer. Les bords des rivières et des ruisseaux étaient plantés de saules, de bouleaux, d’érables, et, sur la lisière des grands bois, on voyait des pommiers et des azeroliers en fleurs, avec des massifs de noisetiers dont les fruits commençaient à nouer. »
Ce fut à la suite d’une partie de pêche que les Français découvrirent un tombeau tartare. La curiosité les porta à l’ouvrir, et ils y trouvèrent deux squelettes couchés côte à côte. La tête était couverte d’une calotte de taffetas ; le corps était enveloppé d’une peau d’ours ; de la ceinture pendaient de petites monnaies chinoises et des bijoux de cuivre. On y trouva également une dizaine de bracelets d’argent, une hache en fer, un couteau et d’autres menus objets, parmi lesquels était un petit sac de nankin bleu rempli de riz.
Le 27 au matin, La Pérouse quitta cette baie solitaire, après y avoir déposé plusieurs médailles et une inscription qui donnait la date de son arrivée.
Un peu plus loin, les embarcations pêchèrent plus de huit cents morues, qui furent aussitôt salées, et elles ramenèrent du fond de la mer une grande quantité d’huîtres à nacre superbes.
Après avoir relâché dans la baie Suffren, située par 47° 51′ de latitude nord et 137° 25′ de longitude orientale, La Pérouse découvrit, le 6 juillet, une île qui n’était autre que Saghalien. La côte en était aussi boisée que celle de Tartarie. À l’intérieur s’élevaient de hautes montagnes, dont la plus élevée reçut le nom de pic Lamanon. Comme on apercevait des fumées et des cabanes, M. de Langle