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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

nœuvres se rompaient et nos voiliers ne pouvaient suffire à réparer des toiles qui étaient presque entièrement usées. »

Le 5 novembre, fut découverte une petite île ou plutôt un rocher de cinq cents toises de longueur sur lequel ne poussait pas un arbre et qui était recouvert d’une épaisse couche de guano. Sa longitude et sa latitude sont 166° 52’ à l’ouest de Paris et 23° 34’ nord. Il fut nommé île Necker.

Jamais on n’avait eu plus belle mer ni une plus belle nuit. Tout à coup, vers une heure et demie du matin, on aperçut des brisants à deux encâblures de l’avant de la Boussole. La mer était si calme, qu’elle ne faisait presque pas de bruit et ne déferlait que de loin en loin et par place. Immédiatement, on revint sur bâbord, mais cette manœuvre avait pris du temps, et le navire n’était plus qu’à une encâblure des rochers lorsqu’il obéit à la manœuvre.

« Nous venions d’échapper au danger le plus imminent où des navigateurs aient pu se trouver, dit La Pérouse, et je dois à mon équipage la justice de dire qu’il n’y a jamais eu, en pareille circonstance, moins de désordre et de confusion ; la moindre négligence dans l’exécution des manœuvres que nous avions à faire pour nous éloigner des brisants, eût nécessairement entraîné notre perte. »

Cette bassure n’était pas connue ; il fallait donc la déterminer exactement pour que d’autres navigateurs ne courussent pas les mêmes périls. La Pérouse ne manqua pas à ce devoir et la nomma « Basse des frégates françaises ».

Le 14 décembre, l’Astrolabe et la Boussole eurent connaissance des îles Mariannes. On ne débarqua que sur l’île volcanique de l’Assomption. La lave y a formé des ravins et des précipices bordés de quelques cocotiers rabougris, très clairsemés, entremêlés de lianes et d’un petit nombre de plantes. Il était presque impossible d’y faire cent toises en une heure. Le débarquement et le rembarquement furent difficiles, et les cent noix de coco, les coquilles, les bananiers inconnus, que les naturalistes rapportèrent, ne valurent pas les dangers qu’ils avaient courus.

Il était impossible de s’arrêter plus longtemps dans cet archipel si l’on voulait parvenir à la côte de Chine avant le départ pour l’Europe des navires, qui devaient emporter le récit des travaux de l’expédition sur la côte d’Amérique et la relation de la traversée jusqu’à Macao. Après avoir relevé, sans s’y arrêter, la position des Bashees, le 1er janvier 1787, La Pérouse eut connaissance de la côte de la Chine, et, le lendemain, l’ancre tombait dans la rade de Macao.

La Pérouse y rencontra une petite flûte française, commandée par M. de Richery, enseigne de vaisseau, dont la mission consistait à naviguer sur les côtes