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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

éprouvions. Les arbres qui couronnaient les montagnes, la verdure, les bananiers qu’on apercevait autour des habitations, tout produisait sur nos sens un charme inexprimable ; mais la mer brisait sur la côte avec la plus grande force, et, nouveaux Tantales, nous étions réduits à désirer et à dévorer des yeux ce qu’il nous était impossible d’atteindre. »

À peine les deux frégates avaient-elles mouillé qu’elles furent entourées de pirogues et de naturels, qui apportaient des cochons, des patates, des bananes, du taro, etc. Très adroits à conclure leurs marchés, ils attachaient le plus grand prix aux morceaux de cercles de vieux fer. Seule, cette connaissance du fer et de son emploi, qu’ils ne devaient pas à Cook, est une nouvelle preuve des relations que ces peuples avaient eues autrefois avec les Espagnols, auxquels il faut vraisemblablement attribuer la découverte de cet archipel.

La réception faite à La Pérouse fut des plus cordiales, malgré l’appareil militaire dont il avait cru devoir s’entourer. Quoique les Français fussent les premiers qui eussent abordé à l’île Mowée, La Pérouse ne crut pas devoir en prendre possession.

« Les usages des Européens, dit-il, sont, à cet égard, trop complètement ridicules. Les philosophes doivent gémir, sans doute, de voir que des hommes, par cela seul qu’ils ont des canons et des bayonnettes, comptent pour rien soixante mille de leurs semblables ; que, sans respect pour les droits les plus sacrés, ils regardent comme un objet de conquête une terre que ses habitants ont arrosée de leurs sueurs, et qui, depuis tant de siècles, sert de tombeau à leurs ancêtres. »

La Pérouse ne s’arrête pas à donner des détails sur les habitants des Sandwich. Il n’y passa que quelques heures, tandis que les Anglais y séjournèrent quatre mois. Il renvoie donc fort justement à la relation du capitaine Cook.

Plus de cent cochons, des nattes, des fruits, une pirogue à balancier, de petits meubles en plumes et en coquillages, de beaux casques recouverts de plumes rouges, tels furent les objets achetés pendant cette courte relâche.

Les instructions que La Pérouse avait reçues à son départ lui prescrivaient de reconnaître la côte d’Amérique, dont une partie, jusqu’au mont Saint-Elie, à l’exception toutefois du port de Nootka, n’avait été qu’aperçue par le capitaine Cook.

Il l’atteignit le 23 juin par 60° de latitude, et reconnut, au milieu d’une longue chaîne de montagnes couvertes de neige, le mont Saint-Elie de Behring. Après avoir prolongé la côte quelque temps, La Pérouse expédia trois embarcations sous le commandement d’un de ses officiers, M. de Monti, qui découvrit une