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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

tout droit, qui est couvert d’un autre mouchoir plus fin qui forme la figure que je viens de dire…. »

Enfin, cet officier avait réuni des documents très sérieux sur le Danemark, les Lapons, les Samoyèdes et les archipels des Feroë, des Orcades et des Shetland, qu’il avait explorés en détail.

Kerguelen, chargé de reconnaître la route proposée par Grenier, demanda au ministre de mettre à profit son armement pour aller reconnaître les terres australes découvertes, en 1739, par Bouvet de Lozier.

L’abbé Terray, qui venait de succéder au duc de Praslin, lui donna le commandement du vaisseau le Berryer, qui emporta de Lorient pour quatorze mois de vivres, trois cents hommes d’équipage et quelques munitions destinées à l’île de France. L’abbé Rochon était adjoint à Kerguelen pour faire des observations astronomiques.

Dès qu’il fut arrivé à l’île de France, le 20 août 1771, Kerguelen changea le Berryer pour la flûte la Fortune, à laquelle fut réunie la petite flûte le Gros-Ventre, de seize canons avec cent hommes d’équipage sous le commandement de M. de Saint-Allouarn.

Aussitôt que ces deux bâtiments furent parés, Kerguelen mit à la voile et fit route au nord, afin de reconnaître l’archipel des îles Mahé. Pendant un orage furieux, les sondes jetées par la Fortune accusèrent des profondeurs de moins en moins grandes, trente, dix-neuf, dix-sept, quatorze brasses. À ce moment, l’ancre fut jetée et tint bon jusqu’à la fin de l’orage.

« Le jour vint enfin nous tirer d’inquiétude, dit Kerguelen, nous ne vîmes ni terre ni rocher. Le Gros-Ventre était à trois lieues sous le vent. Il ne pouvait concevoir que je fusse à l’ancre, car le bruit du tonnerre et des éclairs ne lui avait pas permis de distinguer ni d’entendre mes signaux…. En effet, il n’y a pas d’exemple qu’un bâtiment ait jamais mouillé la nuit, en pleine mer, sur un banc inconnu. J’appareillai et je me laissai dériver en sondant. Je trouvai longtemps quatorze, puis vingt, vingt-cinq, et vingt-huit brasses. Je perdis tout à coup le fond, ce qui prouve que c’est le sommet d’une montagne. Ce banc nouveau, que j’ai nommé Banc de la Fortune, gît nord-ouest et sud-est ; il est par 7° 16’ de latitude sud, et 55° 50’ de longitude est. »

La Fortune et le Gros-Ventre s’élevèrent ensuite au cinquième degré sud, toute recommandée par le chevalier de Grenier. Les deux commandants reconnurent que les vents soufflaient constamment de l’est en cette saison, gagnèrent les Maldives, et prolongèrent Ceylan depuis la Pointe de Galles jusqu’à la baie de Trinquemalay. Au retour, la mousson était changée. Les vents régnants