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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIECLE.

Quelques années auparavant, un vaillant officier de la marine militaire, le chevalier Jacques-Raymond de Giron de Grenier, qui appartenait à cette pléiade d’hommes distingués, les Chazelle, les Borda, les Fleurieu, les Du Maitz de Goimpy, les Chabert, les Verdun de la Crenne, qui contribuèrent avec tant de zèle aux progrès de la navigation et de la géographie, avait utilisé ses loisirs pendant une station à l’île de France pour explorer les mers avoisinantes. Sur la corvette l’Heure du Berger, il avait fait une croisière très fructueuse, rectifiant les positions de l’écueil de Saint-Brandon, du banc de Saya-de-Malha, reconnaissant en détail, dans les Séchelles, les îles Saint-Michel, Rocquepire, Agalega, corrigeant la carte des îles d’Adu et de Diego-Garcia. S’appuyant alors sur les rapports des courants avec les vents de mousson, qu’il avait étudiés spécialement, il proposa une route abrégée et constante pour aller de l’île de France aux Indes. C’était une économie de huit cents lieues de chemin ; la chose valait la peine qu’on l’étudiât sérieusement.

Le ministre de la marine, qui avait vu la proposition de Grenier bien accueillie par l’Académie de Marine, résolut de confier le soin de l’examiner à quelque officier de vaisseau qui eût l’habitude de ce genre de travaux.

Ce fut Yves-Joseph de Kerguelen qui fut choisi. Pendant les deux campagnes de 1767 et 1768, pour l’encouragement et la protection de la pêche de la morue aux côtes d’Islande, ce navigateur avait levé le plan d’un grand nombre de ports et de rades, réuni beaucoup d’observations astronomiques, rectifié la carte de l’Islande et recueilli sur ce pays encore très peu connu une foule d’observations aussi exactes qu’intéressantes. C’est ainsi qu’on lui devait les premiers détails authentiques sur les « geysers », ces sources d’eau chaude qui s’élèvent parfois à de grandes hauteurs, et des renseignements curieux touchant l’existence de bois fossiles qui prouvent qu’à une époque géologique antérieure, l’Islande, aujourd’hui complètement dépourvue d’arbres, possédait d’immenses forêts.

En même temps, Kerguelen avait publié des détails très nouveaux sur les mœurs, les usages et les coutumes des habitants.

« Les femmes, disait-il, ont des robes, des camisoles et des tabliers d’un drap appelé wadmel, qui se fait en Islande ; elles mettent par-dessus leur camisole une robe très ample, assez semblable à celle des jésuites, mais elle ne descend pas si bas que les jupes qu’elle laisse voir. Cette robe est de différente couleur, mais plus souvent noire ; on la nomme hempe. Elle est garnie d’un ruban de velours ou de quelque autre ornement.... Leur coiffure a l’air d’une pyramide ou d’un pain de sucre de deux ou trois pieds de hauteur. Elles se coiffent avec un grand mouchoir d’une très grosse toile, qui se tient