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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

insignes de la souveraineté. Quatre jours plus tard, Marion descendit de nouveau à terre avec deux jeunes officiers, MM. de Vaudricourt et Le Houx, un volontaire et le capitaine d’armes, quelques matelots, en tout dix-sept personnes.

Le soir, personne ne revint au vaisseau. On n’en fut pas inquiet, car on connaissait les mœurs hospitalières des sauvages. On crut seulement que Marion avait couché à terre pour être plus à portée de visiter le lendemain les travaux de l’atelier.

Le 13 juin, le Castries envoya sa chaloupe faire l’eau et du bois pour sa consommation journalière. À neuf heures, un homme fut aperçu qui nageait vers les vaisseaux. On lui envoya un bateau pour le ramener à bord. C’était un des chaloupiers, le seul qui eût échappé au massacre de tous ses camarades. Il avait reçu deux coups de lance dans le côté et était fort maltraité.

D’après son récit, les sauvages avaient tout d’abord montré des dispositions aussi amicales que d’habitude. Ils avaient même transporté à terre sur leurs épaules les matelots qui craignaient de se mouiller. Puis, lorsque ceux-ci se furent dispersés pour ramasser leurs paquets de bois, les indigènes avaient reparu, armés de lances, de casse-têtes et de massues, et s’étaient jetés, au nombre de sept ou huit, sur chacun des matelots. Pour lui, il n’avait été attaqué que par deux hommes, qui l’avaient blessé de deux coups de lance, et comme par bonheur il n’était pas très loin de la mer, il avait pu fuir jusqu’au rivage, où il s’était caché au milieu des broussailles. De là, il avait assisté au massacre de tous ses compagnons. Les sauvages les avaient ensuite dépouillés, leur avaient ouvert le ventre et commençaient à les couper en morceaux, lorsqu’il était sorti sans bruit de sa cachette et s’était jeté à l’eau dans l’espoir de gagner le navire à la nage.

Les seize hommes du canot qui accompagnaient Marion et dont on n’avait pas de nouvelles avaient-ils éprouvé le même sort ? C’était vraisemblable. En tout cas, il fallait, sans perdre une minute, prendre des mesures pour sauver les trois postes établis à terre.

Le chevalier Du Clesmeur prit aussitôt le commandement, et c’est grâce à son énergie que le désastre ne fut pas plus grand.

La chaloupe du Mascarin fut armée et expédiée à la recherche du canot de Marion et de sa chaloupe, avec ordre d’avertir tous les postes et de se porter au secours du plus éloigné, l’atelier où l’on façonnait les mâts et les espars. En route, sur le littoral, furent découvertes les deux embarcations, près du village de Tacoury ; elles étaient entourées de sauvages, qui les avaient pillées, après avoir égorgé les matelots.