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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

plusieurs autres arbres à amande, le caféier sauvage, l’ébénier, le tacamaca, ainsi que divers arbres résineux ou gommiers, le bananier, la canne à sucre, l’igname, l’anis, enfin une plante appelée binao dont les indigènes se servaient comme de pain. Les bois étaient animés par des vols de cacatois, de lauris, de pigeons ramiers, de merles un peu plus gros que ceux d’Europe. Dans les marais, on trouvait le courlis, l’alouette de mer, une sorte de bécasse et des canards. En fait de quadrupèdes, le pays ne nourrissait que des chèvres et des cochons à demi sauvages.

« Les habitants de port Praslin, dit Fleurieu, d’après les journaux manuscrits qu’il eut entre les mains, sont d’une stature assez commune, mais ils sont forts et nerveux. Ils ne paraissent pas avoir une même origine — remarque précieuse ; — les uns sont parfaitement noirs, d’autres ont le teint cuivré. Les premiers ont les cheveux crépus et fort doux au toucher. Leur front est petit, les yeux sont médiocrement enfoncés, le bas du visage est pointu et garni d’un peu de barbe, leur figure porte une empreinte de férocité. Quelques-uns des cuivrés ont les cheveux lisses. En général, ils les coupent autour de la tête à la hauteur des oreilles. Quelques-uns n’en conservent que sur la tête en forme de calotte, rasent tout le reste avec une pierre tranchante et en réservent seulement en bas un cercle de la largeur d’un pouce. Ces cheveux et les sourcils sont poudrés avec de la chaux, ce qui leur donne l’apparence d’être teints en jaune. »

Les hommes et les femmes sont absolument nus ; mais il faut avouer que l’impression causée, par cette nudité n’est pas aussi choquante que si l’on voyait un Européen sans vêtement, car le visage, les bras et généralement toutes les parties du corps de ces indigènes sont tatoués, et quelques-uns de ces dessins annoncent même un goût tout à fait singulier. Leurs oreilles sont percées ainsi que la cloison de leur nez, et le cartilage, sous le poids des objets qu’ils y suspendent, retombe souvent jusqu’à la lèvre supérieure.

L’ornement le plus ordinaire que portent les habitants du port Praslin est un chapelet de dents d’hommes. On en avait tout aussitôt conclu qu’ils étaient anthropophages, bien qu’on eût rencontré la même mode chez des peuplades qui n’étaient nullement cannibales ; mais les réponses embrouillées de Lova et la tête d’homme à demi grillée que Bougainville trouva sur une pirogue de l’île Choiseul, ne laissent aucun doute sur l’existence de cette pratique barbare.

Ce fut le 21 octobre, c’est-à-dire après neuf jours de relâche, que le Saint-Jean-Baptiste quitta le port Praslin. Le lendemain et les jours suivants, des terres hautes et montagneuses ne cessèrent d’être en vue. Le 2 novembre,