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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

aperçut des poules mauves, oiseaux qui ne s’éloignent jamais beaucoup de la terre.

« Le 13 décembre, dit M. Fabre dans son étude sur les Bouvet, étant par les 48° 30’ de latitude sud la latitude de Paris au nord) et par les 7° de longitude est (méridien de Ténériffe), on aperçut, vers cinq à six heures du matin, une énorme glace ; puis plusieurs autres, entourées d’un grand nombre de glaçons de différentes grosseurs. La frégate la Marie fit signal de danger et changea ses amures. Bouvet, vivement contrarié de cette manœuvre, qui pouvait diminuer la confiance des équipages, força de voiles à bord de l’Aigle, et, en passant le long de la Marie, fit connaître son intention de continuer sa route au sud. Pour rassurer les esprits, il dit que la rencontre des glaces devait être considérée comme un heureux présage, puisqu’elles étaient un indice certain de terre. »

La route fut continuée au sud, et bientôt la persévérance de Bouvet se trouva récompensée par la découverte d’une terre, à laquelle il donna le nom de cap de la Circoncision. Elle était fort haute, couverte de neige et enserrée de grosses glaces qui en défendaient l’approche à sept ou huit lieues tout autour. Elle paraissait avoir quatre ou cinq lieues du nord au sud.

« Cette terre fut estimée, dit M. Fabre d’après les cartes de Piétergos, dont se servait Bouvet, être par les 54° de latitude sud et les 26 et 27° de longitude est du méridien de Ténériffe, ou entre les 5° 30’ et 6° 30’ est du méridien de Paris. »

Bouvet aurait bien voulu reconnaître cette terre de plus près et y débarquer ; mais les brumes et les vents contraires lui en défendirent l’accès, et il dut se contenter de l’observer à distance.

« Le 3 janvier 1739, dit Bouvet dans son rapport à la Compagnie, on regagna ce qu’on avait perdu les jours précédents, et, vers les quatre heures de l’après-midi, le temps étant moins couvert, on vit distinctement la terre ; la côte, escarpée dans toute son étendue, formait plusieurs enfoncements ; le haut des montagnes était couvert de neige ; les versants paraissaient boisés. »

Après plusieurs tentatives infructueuses pour se rapprocher de la terre, Bouvet dut céder. Ses matelots étaient harassés de fatigue, découragés, épuisés par le scorbut. La Marie fut expédiée à l’île de France, et l’Aigle se dirigea vers le cap de Bonne-Espérance, qu’il atteignit le 28 février.

« Nous avons fait, dit Bouvet dans le rapport déjà cité, nous avons fait douze à quinze cents lieues dans une mer inconnue. Nous avons eu pendant soixante-dix jours une brume presque continuelle. Nous avons été pendant quarante