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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

paraissaient, pour le moins, ridicules. C’est ainsi qu’il fut conduit vers un moraï, solide construction en pierre de quarante verges de long et de quatorze de hauteur. Le sommet, bien battu, était entouré d’une balustrade en bois, sur laquelle étaient alignés les crânes des captifs qu’on avait sacrifiés à la divinité.

À l’entrée de la plate-forme se dressaient deux grosses figures de bois au masque grimaçant, au corps drapé d’étoffe rouge, la tête surmontée d’une longue pièce de bois sculptée en forme de cône renversé. Là, sur une sorte de table sous laquelle gisait un cochon pourri et des tas de fruits, Koah monta avec le capitaine Cook. Une dizaine d’hommes apportèrent alors processionnellement un cochon vivant, offert au capitaine, et une pièce d’étoffe écarlate dont il fut revêtu. Puis, les prêtres chantèrent quelques hymnes religieux, tandis que les assistants étaient dévotement prosternés à l’entrée du moraï.

Après différentes autres cérémonies qu’il serait trop long de décrire, un cochon, cuit au four, fut remis au capitaine, ainsi que des fruits et des racines qui servent à la composition de l’ava.

« L’ava fut ensuite servie à la ronde, dit Cook, et, lorsque nous en eûmes goûté, Koah et Pareea divisèrent la chair du cochon en petits morceaux qu’ils nous mirent dans la bouche. Je n’avais point de répugnance à souffrir que Pareea, qui était très propre, me donnât à manger, dit le lieutenant King, mais M. Cook, à qui Koah rendait le même office, en songeant au cochon pourri, ne put avaler un seul morceau ; le vieillard, voulant redoubler de politesse, essaya de lui donner les morceaux tout mâchés, et l’on imagine bien que le dégoût de notre commandant ne fit que s’accroître. »

Après cette cérémonie, Cook fut reconduit à son canot par des hommes porteurs de baguettes, qui répétaient les mêmes mots et les mêmes phrases qu’au débarquement, au milieu d’une haie d’habitants agenouillés.

Les mêmes cérémonies se pratiquaient toutes les fois que le capitaine descendait à terre. Un des prêtres marchait toujours devant lui, annonçant que Rono était débarqué, et il ordonnait au peuple de se prosterner à terre.

Si les Anglais avaient tout lieu d’être contents des prêtres, qui les accablaient de politesses et de cadeaux, il n’en était pas de même des « earees » ou guerriers. Ceux-ci encourageaient les vols qui se commettaient journellement, et l’on constata également plusieurs autres supercheries déloyales.

Cependant, jusqu’au 24 janvier 1779, aucun événement important ne s’était passé. Ce jour-là, les Anglais furent tout surpris de voir qu’aucune des pirogues ne quittait le rivage pour venir commercer auprès des navires. L’arrivée de