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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

« Tous les coteaux, ajoute-t-il, avaient l’apparence d’un bon terrain ; la pente en est facile, garnie de bois, et le rivage ne manque pas de bons ports. »

Ces îles ne possèdent pas un seul arbre, et les bons ports sont loin d’être fréquents, comme nous le verrons plus tard. On voit si les renseignements que nous devons à Rodgers sont exacts. Aussi les navigateurs ont-ils bien fait de ne pas s’y fier.

Après avoir dépassé cet archipel, les deux bâtiments piquèrent droit au sud, et s’enfoncèrent dans cette direction jusqu’à 60° 58′ de latitude. Il n’y avait pas de nuit, le froid était vif, et la mer si grosse, que la Duchesse fit quelques avaries. Les principaux officiers des deux bâtiments, assemblés en conseil, jugèrent alors qu’il n’était pas à propos de s’avancer plus au sud, et route fut faite à l’ouest. Le 15 janvier 1709, on constata qu’on avait doublé le cap Horn, et qu’on était entré dans la mer du Sud.

À cette époque, presque toutes les cartes différaient sur la position de l’île Juan-Fernandez. Aussi, Wood Rodgers, qui voulait y relâcher pour y faire de l’eau et s’y procurer un peu de viande fraîche, la rencontra presque sans la chercher.

Le 1er février, il mit en mer une embarcation pour aller à la découverte d’un mouillage. Tandis qu’on attendait son retour, on aperçut un grand feu sur le rivage. Quelques vaisseaux espagnols ou français avaient-ils atterri en cet endroit ? Faudrait-il livrer combat, pour se procurer l’eau et les vivres dont on avait besoin ? Toutes les dispositions furent prises pendant la nuit ; mais, au matin, aucun bâtiment n’était en vue. Déjà l’on se demandait si l’ennemi s’était retiré, lorsque l’arrivée de la chaloupe vint fixer toutes les incertitudes, en ramenant un homme vêtu de peaux de chèvres, à la figure encore plus sauvage que ses vêtements.

C’était un marin écossais, nommé Alexandre Selkirk, qui, à la suite d’un démêlé avec son capitaine, avait été abandonné depuis quatre ans et demi sur cette île déserte. Le feu qu’on avait aperçu avait été allumé par lui.

Pendant son séjour à Juan-Fernandez, Selkirk avait vu passer beaucoup de vaisseaux ; deux seulement, qui étaient espagnols, y avaient mouillé. Découvert par les matelots, Selkirk, après avoir essuyé leur feu, n’avait échappé à la mort que grâce à son agilité, qui lui avait permis de grimper sur un arbre sans être aperçu.

« Il avait été mis à terre, dit la relation, avec ses habits, son lit, un fusil, une livre de poudre, des balles, du tabac, une hache, un couteau, un chaudron, une Bible et quelques autres livres de piété, ses instruments et ses livres de marine.