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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

femmes au milieu de la lice et se charger à coups de poing, sans aucune cérémonie et avec autant d’adresse que les hommes. Leur combat ne dura pas plus d’une demi-minute, et l’une d’elles s’avoua vaincue. L’héroïne victorieuse reçut de l’assemblée les applaudissements qu’on donnait aux hommes dont la force ou la souplesse avait triomphé de leur rival.

Les fêtes et les jeux ne s’arrêtèrent pas là. Un danse fut exécutée par cent cinq acteurs au son de deux tambours ou plutôt de deux troncs d’arbres creusés, auxquels se joignait un chœur de musique vocale. Cook répondit à ces démonstrations en faisant faire l’exercice à feu par ses soldats de marine et en tirant un feu d’artifice, qui causa aux naturels un étonnement qu’on ne peut concevoir. Ne voulant pas se montrer vaincus dans cette lutte de divertissements, les insulaires donnèrent d’abord un concert, puis une danse exécutée par vingt femmes, couronnées de guirlandes de roses de la Chine. Ce grand ballet fut suivi d’un autre exécuté par quinze hommes. Mais nous n’en finirions pas, si nous voulions raconter par le menu les merveilles de cette réception enthousiaste, qui mérita à l’archipel de Tonga le nom d’îles des Amis.

Le 23 mai, Finaou, qui s’était donné pour le roi de l’archipel tout entier, vint annoncer à Cook son départ pour l’île voisine de Vavaoo. Il avait de bonnes raisons pour cela, car il venait d’apprendre l’arrivée du véritable souverain, qui s’appelait Futtafaihe ou Poulaho.

Tout d’abord, Cook refusa de reconnaître au nouveau venu le caractère qu’il s’attribuait ; mais il ne tarda pas à recueillir des preuves irréfutables que le titre de roi lui appartenait.

Poulaho était d’un embonpoint extrême, ce qui le faisait, avec sa petite taille, ressembler à un tonneau. Si le rang est proportionné chez ces insulaires à la grosseur du corps, c’était assurément le plus gros des chefs que les Anglais eussent rencontrés. Intelligent, grave, posé, il examina en détail et avec beaucoup d’intérêt le vaisseau et tout ce qui était nouveau pour lui, fit des questions judicieuses et s’informa du motif de la venue des navires. Ses courtisans s’opposèrent à ce qu’il descendît dans l’entrepont, parce qu’il était « tabou », disaient-ils, et qu’il n’était pas permis de marcher au-dessus de sa tête. Cook fit répondre par l’intermédiaire de Maï, qu’il défendrait de marcher au-dessus de sa chambre, et Poulaho dîna avec le commandant. Il mangea peu, but encore moins, et engagea Cook à descendre à terre. Les marques de respect que prodiguaient à Poulaho tous les insulaires convainquirent le commandant qu’il avait réellement affaire au roi de l’archipel.

Cependant, Cook remit à la voile le 29 mai, retourna à Annamooka, puis à