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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

chaloupe aperçut quelques indices, en débarquant sur une grève près de l’anse de l’Herbe. Des débris du canot et plusieurs souliers, dont l’un avait appartenu à un officier de poupe, furent découverts. En même temps, un des matelots apportait un morceau de viande fraîche, que l’on crut être de la chair de chien, car on ignorait encore que cette peuplade fût anthropophage.

« Nous ouvrîmes, dit le capitaine Furneaux, environ vingt paniers placés sur la grève et fermés avec des cordages. Les uns étaient remplis de chair rôtie et d’autres de racines de fougère, qui servent de pain aux naturels. En continuant nos recherches, nous trouvâmes un plus grand nombre de souliers et une main, que nous reconnûmes sur-le-champ pour celle de Thomas Hill, parce qu’elle représentait T. H. tatoués à la manière des Taïtiens. »

Un peu plus loin, l’officier aperçut quatre pirogues et une multitude de naturels, rassemblés autour d’un grand feu. En débarquant, les Anglais firent une décharge, qui mit en fuite tous les Zélandais, sauf deux, qui se retirèrent avec beaucoup de sang-froid. L’un de ceux-ci fut blessé grièvement, et les matelots s’avancèrent sur la grève.

« Bientôt, une scène affreuse de carnage s’offrit à nos yeux : les têtes, les cœurs et les poumons de plusieurs de nos gens étaient répandus sur le sable, et, à peu de distance de là, les chiens en rongeaient les entrailles. »

L’officier avait trop peu de monde avec lui, — dix hommes seulement, — pour essayer de tirer vengeance de cet abominable massacre. En outre, le temps devenait mauvais, et les sauvages se rassemblaient en grand nombre. Il dut regagner l’Aventure.

« Je ne crois pas, dit le capitaine Furneaux, que cette boucherie ait été l’effet d’un dessein prémédité de la part des sauvages, car, le matin où M. Rowe partit du vaisseau, il rencontra deux pirogues, qui descendirent près de nous et restèrent toute la matinée dans l’anse du vaisseau. Le carnage fut probablement amené par quelque querelle qui se décida sur-le-champ ; peut-être aussi que, nos gens n’ayant pris aucune précaution pour leur sûreté, l’occasion tenta les Indiens. Ce qui encouragea les Zélandais, dès qu’ils eurent vu la première explosion, c’est qu’ils sentirent qu’un fusil n’était pas une arme infaillible, qu’il manquait quelquefois de partir et qu’après le premier coup il fallait le charger de nouveau avant de pouvoir s’en servir. »

Dans ce fatal guet-apens, l’Aventure perdit dix de ses meilleurs matelots. Furneaux avait quitté la Nouvelle-Zélande le 23 décembre 1773, doublé le cap Horn, relâché au cap de Bonne-Espérance et atteint l’Angleterre, le 14 juillet 1774.

Cook, après avoir embarqué les rafraîchissements nécessaires et réparé son