Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

soin fut d’interpeller l’insulaire, qui visait une seconde fois le matelot. Sans l’écouter, le sauvage allait décocher sa flèche contre lui, lorsqu’il le prévint et le blessa d’un coup de fusil. Ce fut le signal d’une volée de flèches, qui tombèrent sur le bâtiment sans faire grand mal. Cook dut alors faire tirer un coup de canon par-dessus la tête des assaillants pour les disperser.

Cependant, quelques heures plus tard, les naturels entouraient de nouveau le navire, et les échanges recommençaient, comme si rien ne s’était passé.

Cook profita de ces bonnes dispositions pour descendre à terre avec un détachement en armes, afin de faire du bois et de l’eau. Quatre ou cinq insulaires armés étaient réunis sur la grève. Un chef se détacha du groupe et vint au-devant du capitaine, tenant comme lui une branche verte. Les deux rameaux furent échangés, la paix fut conclue, et quelques menus présents achevèrent de la cimenter. Cook obtint alors la permission de faire du bois, mais sans s’écarter du rivage, et les naturalistes, qui voulaient s’enfoncer dans l’intérieur pour procéder à leurs recherches ordinaires, furent ramenés sur la plage, malgré leurs protestations.

Ces indigènes n’attachaient aucune valeur aux outils en fer. Aussi fut-il très difficile de se procurer des rafraîchissements. Un petit nombre consentit seulement à échanger des armes contre des étoffes et fit preuve, dans ces transactions, d’une probité à laquelle les Anglais n’étaient pas habitués. La Résolution était déjà à la voile que les échanges continuaient encore, et les naturels, sur leurs pirogues, s’efforçaient de la suivre pour livrer les objets dont ils avaient reçu le prix. L’un d’eux, après de très vigoureux efforts, parvint à rejoindre le navire, apportant ses armes à un matelot qui les avait payées et qui ne s’en souvenait plus, tant il y avait longtemps de cela. Lorsque celui-ci voulut lui donner quelque chose, le sauvage s’y refusa, faisant comprendre qu’il en avait déjà reçu le prix.

Cook donna à ce havre, qu’il quitta le 23 juillet au matin, le nom de port Sandwich.

Si le commandant était favorablement impressionné par les qualités morales des insulaires de Mallicolo, il n’en était pas de même de leurs qualités physiques. Petits et mal proportionnés, de couleur bronzée, le visage plat, ces sauvages étaient hideux. Si les théories du darwinisme eussent alors été connues, nul doute que Cook n’eût reconnu en eux cet échelon perdu entre l’homme et le singe, qui fait le désespoir des transformistes. Leurs cheveux noirs, gros, crépus et courts, leur barbe touffue, étaient loin de les avantager. Mais, ce qui achevait de les rendre grotesques, c’est qu’ils avaient l’habitude de se serrer le ventre avec une corde, à ce point qu’ils ressemblaient à une grosse fourmi. Des