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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

minces et torses et de gros genoux, ce qui provient sûrement du peu d’exercice qu’elles font, et de l’habitude de s’asseoir les jambes croisées ; l’accroupissement presque continuel où elles se tiennent sur leurs pirogues y contribue d’ailleurs un peu. Leur teint était d’un brun clair, leurs cheveux très noirs, leur visage rond ; le nez et les lèvres un peu épais, mais non aplatis, les yeux noirs assez vifs et ne manquant pas d’expression… Placés de file, les naturels se dépouillèrent de leurs vêtements supérieurs ; l’un d’eux chanta d’une manière grossière, et le reste accompagna les gestes qu’il faisait. Ils étendaient leurs bras et frappaient alternativement du pied contre terre, avec des contorsions de frénétiques ; ils répétaient en chœur les derniers mots, et nous y distinguions aisément une sorte de mètre ; mais je ne suis pas sûr qu’il y eût de la rime ; la musique était très sauvage et peu variée. »

Certains des Zélandais demandèrent des nouvelles de Tupia ; lorsqu’ils apprirent sa mort, ils exprimèrent leur douleur par une sorte de lamentation plus factice que réelle.

Cook ne reconnut pas un seul des indigènes qu’il avait vus à son premier voyage. Il en conclut, avec toute apparence de raison, que les naturels qui habitaient le détroit en 1770 en avaient été chassés, ou, de leur plein gré, s’étaient retirés ailleurs. Au surplus, le nombre des habitants était diminué des deux tiers, et « l’i-pah » était abandonné, ainsi qu’un grand nombre d’habitations le long du canal.

Les deux bâtiments étant prêts à remettre en mer, Cook donna ses instructions au capitaine Furneaux. Il voulait s’avancer dans le sud par 41° à 46° de latitude jusqu’à 140° de longitude ouest, et, s’il ne trouvait pas de terre, cingler vers Taïti, où était fixé le lieu de rendez-vous, puis revenir à la Nouvelle-Zélande, et reconnaître toutes les parties inconnues de la mer entre cette île et le cap Horn.

Vers la fin de juillet, le scorbut commença à attaquer l’équipage de l’Aventure, à la suite de quelques jours de chaleur. Celui de la Résolution, grâce aux précautions dont Cook ne s’était pas départi un seul jour, et à l’exemple que lui-même avait constamment donné de manger du céleri et du cochléaria, échappa à la maladie.

Le 1er  juillet, les deux navires étaient par 25° 1′ de latitude et par 134° 6′ de longitude ouest, situation attribuée par Carteret à l’île Pitcairn. Cook la chercha sans la trouver. Il faut dire que l’état des malades de l’Aventure abrégea sa croisière, à son grand regret. Il désirait vérifier ou rectifier la longitude de cette île, et, par cela même, celles de toutes les terres environnantes, décou-