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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

Le 14 décembre, une énorme banquise, dont l’extrémité se perdait sous l’horizon, empêcha les deux bâtiments de piquer plus longtemps au sud, et il fallut la longer. Ce n’était pas une plaine unie, car on y voyait cà et là des montagnes semblables à celles qu’on avait rencontrées les jours précédents. Quelques personnes crurent apercevoir la terre sous la glace. Cook, lui-même, y fut un instant trompé ; mais le brouillard, en se dissipant, rendit évidente une erreur facilement explicable.

On constata le lendemain que les bâtiments étaient entraînés par un vif courant. Forster père et Wales, l’astronome, descendirent dans une embarcation pour mesurer sa vitesse. Tandis qu’ils procédaient à cette opération, le brouillard s’épaissit tellement, qu’ils perdirent complètement de vue le navire. Dans une misérable chaloupe, sans instruments et sans provisions, au milieu d’une mer immense, loin de toute côte, environnés de glaces, leur situation était terrible. Ils errèrent longtemps sur ce désert, ne pouvant parvenir à se faire entendre. Puis, ils cessèrent de ramer afin de ne pas trop s’écarter. Enfin, ils commençaient à perdre tout espoir, lorsque le son lointain d’une cloche parvint à leurs oreilles. Ils firent aussitôt force de rames dans cette direction ; l’Aventure répondit à leurs cris et les recueillit, après quelques heures d’une terrible angoisse.

L’opinion alors généralement admise était que les glaces se formaient dans les baies ou à l’embouchure des rivières. Aussi, les explorateurs se croyaient-ils dans le voisinage d’une terre, située sans doute au sud, derrière l’infranchissable banquise.

Déjà plus de trente lieues avaient été parcourues à l’ouest, sans qu’il eût été possible de trouver dans la glace une ouverture qui conduisît au sud. Le capitaine Cook résolut alors de faire une route aussi longue dans l’est. S’il ne rencontrait pas la terre, il espérait du moins doubler la banquise, pénétrer plus avant vers le pôle, et mettre fin aux incertitudes des physiciens.

Cependant, bien qu’on fût au milieu de l’été pour cette partie du globe, le froid devenait chaque jour plus intense. Les matelots s’en plaignaient, et des symptômes de scorbut apparaissaient à bord. Des distributions de vêtements plus chauds et le recours aux médicaments indiqués en pareil cas, moût de bière et jus de citron, eurent bientôt raison de la maladie et permirent aux équipages de supporter les rigueurs de la température.

Le 29 décembre, Cook acquit la certitude que la banquise n’était jointe à aucune terre. Il résolut alors de se porter dans l’est aussi loin que le méridien de la Circoncision, à moins que quelque obstacle ne vînt l’arrêter.