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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

leurs plus belles étoffes avec ces fibres, qui sont aussi d’une force surprenante. Leurs filets, d’une grandeur énorme, sont formés de ces feuilles ; tout le travail consiste à les couper en bandes de largeur convenable, qu’on noue ensemble. »

Cette plante merveilleuse, de laquelle on s’était tellement engoué, après la description lyrique qu’on vient de lire et celle non moins enthousiaste qu’en devait faire quelques années plus tard La Billardière, est aujourd’hui connue sous le nom de « phormium tenax ».

En effet, il a fallu rabattre des espérances que ces récits avaient fait naître ! Suivant l’opinion de l’éminent chimiste Duchartre, l’action prolongée de la chaleur humide et surtout le blanchissage désagrègent en peu de temps les cellules de cette plante, et, après un ou deux lessivages, les tissus qui en sont fabriqués se réduisent en étoupe. Cependant, elle donne lieu à un commerce d’exportation considérable, M. Al. Kennedy, dans son très curieux ouvrage sur la Nouvelle-Zélande, nous apprend que si, en 1863, on n’exportait que quinze balles de phormium, quatre ans plus tard, ce qui est presque invraisemblable, ce chiffre s’était élevé à 12,162 balles, pour monter, en 1870, à 32,820 balles, dont la valeur était de 132,578 livres sterling.

Quant aux habitants, grands et bien proportionnés, ils étaient alertes, vigoureux et très adroits. Les femmes n’avaient pas cette délicatesse d’organes, cette gracilité de formes qui les distinguent dans tout autre pays. Vêtues de la même façon que les hommes, on ne pouvait les reconnaître qu’à la douceur de leur voix et à la vivacité de leur physionomie. Si les naturels d’une même tribu avaient entre eux les relations les plus affectueuses, implacables envers leurs ennemis, ils ne leur faisaient pas de quartier, et les cadavres servaient à d’horribles festins, que le défaut de nourriture animale explique sans les excuser.

« Peut-être, dit Cook, paraîtra-t-il étrange qu’il y ait des guerres fréquentes dans un pays où il y a si peu d’avantages à obtenir la victoire. »

Mais, outre la nécessité de se procurer de la viande, qui amène la fréquence de ces guerres, ce qu’ignorait Cook, c’est que la population était partagée en deux races distinctes, naturellement ennemies.

D’anciennes traditions rapportent que les Maoris sont venus, il y a environ treize cents ans, des îles Sandwich. On a lieu de les croire exactes, si l’on réfléchit que cette belle race polynésienne a peuplé tous les archipels semés sur cette immense partie de l’océan Pacifique. Partis de l’île Haouaïki, qui serait l’Havaï des îles Sandwich ou la Saouaï de l’archipel des Navigateurs, les Maoris auraient refoulé ou presque détruit la race autochtone