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PREMIER VOYAGE DU CAPITAINE COOK.

parce qu’il n’y a entre vous et nous aucun sujet de querelle. La mer ne vous appartient pas plus qu’elle n’appartient à notre vaisseau. » Une éloquence si simple et si juste n’avait point été suggérée à Tupia. Aussi surprit-elle beaucoup Cook et les autres Anglais. »

Pendant qu’il était à la baie des îles, le capitaine reconnut une rivière assez considérable, à laquelle il donna le nom de Tamise. Elle était bordée de beaux arbres, de la même espèce que ceux qu’on avait rencontrés dans la baie Pauvreté. L’un d’eux, à six pieds au-dessus de terre, mesurait dix-neuf pieds de circonférence ; un autre n’avait pas moins de quatre-vingt-dix pieds depuis le sol jusqu’aux premières branches.

Si les altercations avec les naturels étaient fréquentes, ces derniers pourtant n’avaient pas toujours tort.

« Quelques hommes du vaisseau, dit Kippis, qui, dès que les Indiens étaient surpris en faute, ne manquaient pas de montrer une sévérité digne de Lycurgue, jugèrent à propos d’entrer dans une plantation zélandaise et d’y dérober beaucoup de patates. M. Cook les condamna à douze coups de verge. Deux d’entre eux les reçurent tranquillement ; mais le troisième soutint que ce n’était point un crime pour un Anglais de piller les plantations des Indiens. La méthode que M. Cook jugea convenable pour répondre à ce casuiste fut de l’envoyer à fond de cale et de ne pas permettre qu’il en sortit jusqu’à ce qu’il eût consenti à recevoir six coups de plus. »

Le 30 décembre, les Anglais doublèrent ce qu’ils jugèrent être le cap Maria-Van-Diemen de Tasman, mais ils furent aussitôt assaillis par des vents contraires, qui obligèrent Cook à ne faire que dix lieues en trois semaines. Fort heureusement, il se tint, pendant tout ce temps, à une certaine distance du rivage. Sans cela, nous n’aurions probablement pas, aujourd’hui, à raconter ses aventures.

Le 16 janvier 1770, après avoir nommé un certain nombre d’accidents de la côte occidentale, Cook arriva en vue d’un pic imposant et couvert de neige, qu’il appela mont Egmont, en l’honneur du comte de ce nom. À peine ce pic fut-il doublé, qu’on vit la côte décrire un grand arc de cercle. Elle était découpée en un grand nombre de rades, où Cook résolut d’entrer, afin de caréner et de réparer son bâtiment et de faire provision d’eau et de bois. Il débarqua au fond d’une anse où il trouva un beau ruisseau et des arbres en très grande abondance, car la forêt ne finissait qu’au bord de la mer, là où le sol lui manquait. Il profita des bonnes relations, qui furent entretenues en cet endroit avec les naturels, pour leur demander s’ils avaient jamais vu un vaisseau semblable à l’Endeavour.