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LES PRÉCURSEURS DU CAPITAINE COOK.

voulaient bien le dire. Quant à se fier aux cartes françaises, il n’y fallait pas compter ; elles étaient plus propres à faire perdre les navires qu’à les guider. Bougainville dirigea donc sa route par les détroits de Button et de Saleyer. Ce chemin, fréquenté par les Hollandais, était très peu connu des autres nations. Aussi la relation décrit-elle avec le plus grand soin et de cap en cap le chemin qu’il a suivi. Nous n’insisterons pas sur cette partie du voyage, bien qu’elle ait été très instructive ; mais, par cela même, elle s’adresse spécialement aux hommes du métier.

Le 28 septembre, après dix mois et demi de voyage depuis le départ de Montevideo, l’Étoile et la Boudeuse arrivaient à Batavia, l’une des plus belles colonies de l’univers. On peut dire que, dès lors, le voyage était terminé. Après avoir touché à l’île de France, au cap de Bonne-Espérance et à l’île de l’Ascension, près de laquelle il rencontra Carteret, Bougainville rentra, le 16 février 1769, à Saint-Malo, n’ayant perdu que sept hommes, depuis deux ans et quatre mois qu’il avait quitté Nantes.

Le reste de la carrière de cet heureux navigateur ne rentre pas dans notre cadre ; aussi n’en dirons-nous que peu de mots. Il prit part à la guerre d’Amérique et soutint, en 1781, un combat honorable devant le Fort-Royal de la Martinique. Chef d’escadre depuis 1780, il fut chargé, dix ans plus tard, de rétablir l’ordre dans la flottille mutinée de M. d’Albert de Rions. Nommé vice-amiral en 1792, il ne crut pas devoir accepter un grade éminent, qu’il considérait, suivant ses propres expressions, comme un titre sans fonctions. Successivement appelé au Bureau des longitudes et à l’Institut, élevé à la dignité de sénateur, créé comte par Napoléon Ier, Bougainville mourut, le 31 août 1811, chargé d’ans et d’honneurs.

Ce qui a rendu populaire le nom de Bougainville, c’est d’avoir été le premier Français qui ait accompli le tour du monde. S’il eut le mérite de découvrir et de reconnaître, sinon d’explorer, plusieurs archipels ignorés ou peu connus avant lui, on peut dire qu’il dut sa réputation bien plutôt au charme, à la facilité, à l’animation de son récit de voyage qu’à ses travaux. S’il est plus connu que tant d’autres marins français, ses émules, ce n’est pas qu’il ait fait plus ou mieux qu’eux, c’est qu’il sut raconter ses aventures de manière à charmer ses contemporains.

Quant à Guyot-Duclos, son poste secondaire dans l’entreprise et sa roture ne lui valurent aucune récompense. S’il fut nommé plus tard chevalier de Saint-Louis, il le mérita par son sauvetage de la Belle-Poule. Bien qu’il fût né en 1722, et qu’il naviguât depuis 1734, il n’était encore que lieutenant de vaisseau