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LES PRÉCURSEURS DU CAPITAINE COOK.

Les reptiles malfaisants fourmillaient dans ces terrains marécageux, au milieu de ces forêts vierges, serpents, scorpions et quantité d’autres animaux venimeux. Il n’y en avait malheureusement pas que sur terre. Un matelot qui cherchait des « marteaux », mollusque bivalve très rare, fut piqué par une espèce de serpent. Après cinq ou six heures de souffrances terribles et de convulsions effrayantes, les douleurs diminuèrent, et enfin, la thériaque et l’eau de lusse, qu’on lui avait administrées après la morsure, le remirent sur pied. Cet accident ralentit singulièrement le zèle des amateurs de conchyliologie.

Le 22, après une grosse tourmente, les navires ressentirent plusieurs secousses de tremblement de terre, la mer haussa et baissa plusieurs fois de suite, ce qui effraya terriblement les matelots occupés à pêcher. Malgré la pluie et les orages, qui se succédaient sans discontinuer, tous les jours, un détachement partait à la recherche des lataniers, des palmistes et des tourterelles. On se promettait monts et merveilles ; mais, le plus souvent, on revenait les mains vides et sans autre résultat que d’être trempé jusqu’aux os. Une curiosité naturelle, mille fois plus belle que les merveilles inventées pour l’ornement des palais des souverains, attirait chaque jour, à quelque distance du mouillage, de nombreux visiteurs qui ne se lassaient pas de l’admirer.

« C’était une cascade. La décrire serait impossible. Il faudrait, pour en faire comprendre toute la beauté, reproduire par le pinceau les feux étincelants des nappes frappées par le soleil, l’ombre vaporeuse des arbres tropicaux qui s’élançaient de l’eau même, et les jeux fantastiques de la lumière sur un paysage grandiose, que la main de l’homme n’avait pas encore gâté. »

Dès que le temps changea, les vaisseaux quittèrent le port Praslin et continuèrent à suivre la côte de la Nouvelle-Bretagne, jusqu’au 3 août. L’Étoile, attaquée en route par une multitude de pirogues, avait été obligée de répondre aux pierres et aux flèches par quelques coups de fusil qui avaient mis en fuite les assaillants. Le 4, furent aperçues les terres nommées par Dampier île Mathias et île Orageuse. Trois jours plus tard fut reconnue l’île des Anachorètes, ainsi nommée parce qu’un grand nombre de pirogues, occupées à la pêche, ne se dérangèrent pas à la vue de l’Étoile et de la Boudeuse, dédaignant de nouer aucune relation avec ces étrangers.

Après une série d’îlots à demi submergés, sur lesquels les bâtiments faillirent s’échouer, et que Bougainville nomma l’Échiquier, la côte de la Nouvelle Guinée fut aperçue. Haute et montueuse, elle courait dans l’ouest-nord-ouest. Le 12, fut découverte une grande baie ; mais les courants qui, jusqu’alors, avaient été contraires, ne tardèrent pas à entraîner les bâtiments loin de cette baie, si-