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les tribulations d’un chinois en chine

habitude de fumer l’opium, qui détruit tous les ressorts de l’organisme et conduit rapidement à la mort.

Aussi, jamais une once de cette substance n’était-elle entrée dans la riche habitation, où les deux amis arrivaient, une heure après avoir débarqué sur le quai de Shang-Haï.

Wang, — ce qui aurait encore surpris de la part d’un ex-Taï-ping, — n’avait pas manqué de dire :

« Peut-être y aurait-il mieux à faire que d’importer l’abrutissement à tout un peuple ! Le commerce, c’est bien ; mais la philosophie, c’est mieux ! Soyons philosophes, avant tout, soyons philosophes ! »




CHAPITRE IV

dans lequel kin-fo reçoit une importante lettre qui a déjà huit jours de retard.


Un yamen est un ensemble de constructions variées, rangées suivant une ligne parallèle, qu’une seconde ligne de kiosques et de pavillons vient couper perpendiculairement. Le plus ordinairement, le yamen sert d’habitation aux mandarins d’un rang élevé et appartient à l’empereur ; mais il n’est point interdit aux riches Célestials d’en posséder en toute propriété, et c’était un de ces somptueux hôtels qu’habitait l’opulent Kin-Fo.

Wang et son élève s’arrêtèrent à la porte principale, ouverte au front de la vaste enceinte qui entourait les diverses constructions du yamen, ses jardins et ses cours.

Si, au lieu de la demeure d’un simple particulier, c’eût été celle d’un magistrat mandarin, un gros tambour aurait occupé la première place sous l’auvent découpé et peinturluré de la porte. Là, de nuit comme de jour, seraient venus frapper ceux de ces administrés qui auraient eu à réclamer justice. Mais, au lieu de ce « tambour des plaintes », de vastes jarres en porcelaine ornaient l’entrée du yamen, et contenaient du thé froid, incessamment renouvelé par les soins de l’intendant. Ces jarres étaient à la disposition des