— Excellence !… répéta le Kaw-djer en riant. Pourquoi m’appelles-tu Excellence, mon garçon ?
L’enfant sembla fort étonné.
— N’est-ce pas comme ça qu’on doit dire pour les rois, les ministres et les évêques ? demanda-t-il sur un ton qui exprimait sa crainte de n’avoir pas suffisamment respecté les règles de la politesse.
— Bah !… s’écria le Kaw-djer abasourdi. Et où as-tu vu qu’on devait appeler Excellence les rois, les ministres et les évêques ?
— Sur les journaux, répondit l’enfant avec assurance.
— Tu lis donc les journaux ?
— Pourquoi pas ?… Quand on m’en donne.
— Ah !… ah !… fit le Kaw-djer.
Il reprit :
— Comment t’appelles-tu ?
— Dick.
— Dick quoi ?
L’enfant n’eut pas l’air de comprendre.
— Enfin, quel est le nom de ton père ?
— Je n’en ai pas.
— De ta mère, alors ?
— Pas plus de mère que de père, Excellence.
— Encore !… se récria le Kaw-djer qui s’intéressait de plus en plus à ce singulier enfant. Je ne suis cependant, que je sache, ni roi, ni ministre, ni évêque !
— Vous êtes le gouverneur ! » déclara le gamin avec emphase.
Le gouverneur !… Le Kaw-djer tombait des nues.
« Où as-tu pris cela ? demanda-t-il.
— Dame !… fit Dick embarrassé.
— Eh bien ?… » insista le Kaw-djer.
Dick parut légèrement troublé. Il hésita.
« Je ne sais pas, moi… dit-il enfin. C’est parce que c’est vous qui commandez… Et puis, tout le monde vous appelle comme ça.
— Par exemple !… » protesta le Kaw-djer.
D’une voix plus grave il ajouta :
« Tu te trompes, mon petit ami. Je ne suis ni plus ni moins que les autres. Ici, personne ne commande. Ici, il n’y a pas de maître. »