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aisément l’île Hoste, que peuplent maintenant plus de six mille habitants. Sans compter que les cent cinquante hommes que vous avez débarqués vont être pour nous de merveilleux otages ! »

L’officier garda le silence. Le Kaw-djer ajouta d’une voix grave :

— Enfin, savez-vous qui je suis ? »

Le Chilien considéra son adversaire qui se révélait si redoutable. Sans doute lut-il dans le regard de celui-ci une réponse éloquente à la question qui lui était posée, car il se troubla plus encore.

— Qu’entendez-vous par cette question ? balbutia-t-il. Il y a douze ou treize ans, au retour du Ribarto, dont le commandant avait cru vous reconnaître, des bruits ont couru. Mais ils devaient être erronés, puisque vous les aviez, paraît-il, démentis par avance.

— Ces bruits étaient fondés, dit le Kaw-djer. S’il m’a plu alors, s’il me convient toujours d’oublier qui je suis, je pense que vous ferez sagement de vous en souvenir. Vous en conclurez, j’imagine, qu’il ne me serait pas impossible de trouver des concours assez puissants pour faire réfléchir le gouvernement chilien.

L’officier ne répondit pas. Il semblait accablé.

— Estimez-vous, reprit le Kaw-djer, que je sois en situation, non pas de céder purement et simplement, mais de traiter d’égal à égal ?

L’officier chilien avait relevé la tête. Traiter ?… Avait-il bien entendu ?… La fâcheuse aventure dans laquelle il s’était si inconsidérément embarqué pouvait donc tourner d’une manière favorable ?…

— Reste à savoir si cela est possible, continuait cependant le Kaw-djer, et de quels pouvoirs vous êtes investi.

— Les plus étendus, affirma vivement l’officier chilien.

— Écrits ?

— Écrits.

— Dans ce cas, veuillez me les communiquer, dit le Kaw-djer avec calme.

L’officier tira d’une poche intérieure de sa tunique un second pli qu’il remit au Kaw-djer.

— Les voici, dit-il.