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les entendait. Évidemment ils s’entêtaient dans leur entreprise et campaient en plein air.

La milice fit comme eux. Se relayant par quarts, elle veilla toute la nuit, l’arme au pied.

La colonne ne s’était pas retirée, en effet. À l’aube, les rues apparurent noires de monde. Bon nombre de prospecteurs, lassés par cette nuit d’attente, s’étaient couchés sur le sol. Mais tous furent debout au premier rayon du jour, et le vacarme de la veille reprit de plus belle.

Dans les rues dont ils occupaient la chaussée, les maisons étaient soigneusement closes. Personne ne se risquait au dehors. Si, d’un premier étage, un Hostelien plus curieux risquait un coup d’œil par l’entrebâillement des volets, un ouragan de huées l’obligeait aussitôt à les refermer en hâte.

Le début de la matinée fut relativement calme. Les aventuriers ne semblaient pas être d’accord sur ce qu’il convenait de faire et discutaient avec animation. À mesure que le temps s’écoulait, leur nombre augmentait. Autant qu’on en pouvait juger, il s’élevait maintenant à quatre ou cinq mille. Des émissaires envoyés pendant la nuit avaient battu le rappel dans la campagne et ramené du renfort. Les prospecteurs de la région du Golden Creek avaient eu le temps d’arriver, mais non pas ceux qui travaillaient dans les montagnes du centre ou à la pointe du Nord-Ouest, et dont le voyage, en admettant qu’ils dussent venir, exigerait un ou plusieurs jours selon leur éloignement.

Leurs compagnons qui avaient déjà envahi la ville eussent sagement fait de les attendre. Quand ils seraient dix ou quinze mille, la situation déjà si grave de Libéria deviendrait presque désespérée.

Mais ces cerveaux brûlés, incapables de résister à la violence de leurs passions, n’avaient jamais la patience d’attendre. Plus la matinée s’avança, plus leur agitation grandit. Sous le coup de fouet de la fatigue et des excitations répétées des orateurs en plein vent, la foule s’énervait à vue d’œil.

Vers onze heures, un élan général la jeta tout à coup sur la milice hostelienne. Celle-ci se hérissa immédiatement de baïonnettes. Les assaillants reculèrent précipitamment, s’efforçant de vaincre la poussée de ceux qui se trouvaient en queue. Afin