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au point où ils croyaient pénétrer sans coup férir et qu’ils ne laisseraient par conséquent que des forces insignifiantes à la garde de leur camp, le Kaw-djer avait arrêté son plan en conséquence. Tandis que le plus grand nombre des hommes dont il pouvait disposer étaient réunis sous ses ordres directs autour de l’enclos de Patterson, où il prévoyait que se déroulerait l’action principale, et guettaient les Indiens qui allaient tomber dans un piège, une autre expédition se tenait prête à franchir l’épaulement du Sud sous le commandement d’Hartlepool, pour opérer une diversion au camp des Patagons.

C’est cette deuxième troupe qui signalait maintenant sa présence. Sans doute, elle était aux prises avec les rares guerriers laissés à la garde des chevaux. Cette fusillade ne dura d’ailleurs que peu d’instants. Les deux combats avaient été aussi brefs l’un et l’autre.

Les Patagons disparus, le Kaw-djer se porta dans la direction du Sud. Il rencontra la troupe commandée par Hartlepool comme elle franchissait de nouveau l’épaulement pour rentrer dans la ville.

L’expédition avait merveilleusement réussi. Hartlepool n’avait pas perdu un seul homme. Les pertes de l’ennemi étaient d’ailleurs également nulles. Mais, résultat beaucoup plus utile, on avait capturé près de trois cents chevaux qu’on ramenait avec soi.

La leçon reçue par les Patagons était trop sévère pour qu’un retour offensif de leur part fût dans l’ordre des événements probables. La garde toutefois fut organisée comme les soirs précédents. Ce fut seulement après avoir ainsi assuré la sécurité générale que le Kaw-djer retourna dans l’enclos de Patterson. À la pâle lueur des étoiles, le sol lui en apparut jonché de cadavres. De blessés aussi, car des plaintes s’élevaient dans la nuit. On s’occupa de les secourir.

Mais où était Patterson ? On le découvrit enfin, sous un tas de corps amoncelés, bâillonné, ligoté, évanoui. N’était-il donc qu’une victime ? Le Kaw-djer se reprochait déjà de l’avoir jugé injustement, quand, au moment où on relevait l’Irlandais, des pièces d’or coulèrent de sa ceinture et tombèrent sur le sol. Le Kaw-djer, écœuré, détourna les yeux. À la surprise générale, Patterson fut transporté à la prison, où le médecin de Libéria dut aller lui donner des soins. Celui-ci