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avait l’expérience de ces transactions. Que l’objet en jeu fût une marchandise ou une conscience, c’était toujours d’un achat et d’une vente qu’il s’agissait. Or, les achats et les ventes sont soumis à des règles immuables qu’il connaissait dans leurs détails. Il est d’usage, tout le monde le sait bien, que le vendeur demande trop, et que l’acheteur n’offre pas assez. La discussion établit l’équilibre. À marchander, il y a toujours quelque chose à gagner et jamais rien à perdre. Le temps pressant, Patterson s’était exceptionnellement résigné à doubler les étapes, et c’est pourquoi il était descendu d’un seul coup de deux mille piastres à quinze cents.

— Non, dit Sirdey d’un ton ferme.

— Si c’était au moins quatorze cents, soupira Patterson, on pourrait voir !… Mais mille piastres !…

— C’est mille et pas une de plus, affirma Sirdey en continuant son mouvement de recul.

Patterson eut, comme on dit, de l’estomac.

— Alors, ça ne va pas, déclara-t-il tranquillement.

Ce fut au tour de Sirdey d’être inquiet. Une affaire si bien emmanchée !… Allait-il la faire échouer pour quelques centaines de piastres ?… Il se rapprocha.

— Coupons la poire en deux, proposa-t-il. On arrivera à douze cents. »

Patterson s’empressa d’accepter.

— C’est uniquement pour te faire plaisir, acquiesça-t-il enfin. Va pour douze cents piastres !

— Convenu ?… demanda Sirdey.

— Convenu, affirma Patterson.

Il restait, cependant, à régler les détails.

— Qui me paiera ? reprit Patterson. Les Patagons sont donc riches pour semer comme ça des douze cents piastres ?

— Très pauvres au contraire, répliqua Sirdey, mais ils sont nombreux. Ils se saigneront aux quatre veines pour réunir la somme. S’ils le font, c’est qu’ils n’ignorent pas que le sac de Libéria leur en donnera cent fois plus.

— Je ne dis pas non, accorda Patterson. Ça ne me regarde pas. Mon affaire, c’est d’être payé. Comment me paiera-t-on ? Avant ou après ?

— Moitié avant, moitié après.