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naient. Cette place n’était pas mauvaise. On s’y trouvait gardé soi-même de tous côtés.

Quand Patterson arriva à son poste, il faisait jour encore, et la situation lui parut des plus rassurantes. Mais, peu à peu, la nuit tomba, et il fut repris alors de ses habituelles terreurs. De nouveau, il prêta l’oreille au moindre bruit et jeta des coups d’œil rapides dans toutes les directions, en s’efforçant de voir si un mouvement suspect ne se dessinait pas quelque part.

Il regardait bien loin, alors que le danger était tout près. Quelle ne fut pas son épouvante, quand il s’entendit tout à coup appelé à mi-voix !

« Patterson !… murmurait-on à deux pas de lui.

Il étouffa un cri prêt à jaillir de ses lèvres, car déjà, sur un ton menaçant, on commandait sourdement :

— Silence !

La voix demanda :

— Me reconnais-tu ?

Et comme l’Irlandais, incapable d’articuler un mot, ne répondait pas.

— Sirdey, dit-on dans la nuit.

Patterson reprit sa respiration. Celui qui parlait était un camarade. Le dernier, par exemple, qu’il se fût attendu à trouver là.

— Sirdey ?… répéta-t-il d’un ton interrogateur en se mettant au diapason.

— Oui… Sois prudent… Parle bas… Es-tu seul ?… N’y a-t-il personne autour de toi ?

Patterson fouilla la nuit des yeux.

— Personne, dit-il.

— Ne bouge pas… recommanda Sirdey. Reste debout… Qu’on te voie… Je vais m’approcher, mais ne te retourne pas de mon côté.

Il y eut un glissement dans l’herbe de la berge.

— M’y voici, dit Sirdey, qui resta étendu sur le sol. Malgré la défense faite, Patterson risqua un coup d’œil du côté de son visiteur inattendu, et constata que celui-ci était trempé des pieds à la tête.

— D’où viens-tu ? demanda-t-il en reprenant son attitude précédente.