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III

la fin d’un pays libre.

L’Île Neuve commande l’entrée du canal du Beagle par l’Est. Longue de huit kilomètres, large de quatre, elle affecte la forme d’un pentagone irrégulier. Les arbres n’y manquent pas, plus particulièrement le hêtre, le frêne, l’écorce de Winter, des myrtacées et quelques cyprès de taille moyenne. À la surface des prairies poussent des houx, des berbéris, des fougères de petite venue. En de certaines places abritées se montre le bon sol, la terre végétale, propre à la culture des légumes. Ailleurs, là où l’humus existe en couche insuffisante, et plus spécialement aux abords des grèves, la nature a brodé sa tapisserie de lichens, de mousses et de lycopodes.

C’était sur cette île, au revers d’une haute falaise, face à la mer, que l’Indien Karroly résidait depuis une dizaine d’années. Il n’aurait pu choisir une station plus favorable. Tous les navires, au sortir du détroit de Lemaire, passent en vue de l’Île Neuve. S’ils cherchent à gagner l’Océan Pacifique en doublant le cap Horn, ils n’ont besoin de personne. Mais si, désireux de trafiquer à travers l’archipel, ils veulent en suivre les divers canaux, un pilote leur est indispensable.

Toutefois, relativement rares sont les navires qui fréquentent les parages magellaniques, et leur nombre n’eût pas suffi à assurer l’existence de Karroly et de son fils. Il s’adonnait donc à la pêche et à la chasse, afin de se procurer des objets d’échange qu’il troquait contre tout ce qui était pour eux de première nécessité.

Sans doute, cette île de dimensions restreintes ne pouvait