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nier avant de s’éloigner. Sans ça, tu auras affaire à moi, mon garçon ! »

Cette recommandation donnée, il retourna près de ses compagnons, et l’éternelle conversation fut reprise. Toutefois, elle était proche de son terme, et l’heure de l’action allait de nouveau sonner. Pendant qu’on parlait autour de lui, Dorick avait placé le goudron sur le feu, et bientôt, avec des soins méticuleux, il commença la fabrication de son engin meurtrier.

Tandis que les cinq misérables se préparaient ainsi au crime, leur destinée s’élaborait à leur insu. La capture de Dick avait eu un témoin. Sand, en allant au rendez-vous, où, selon les conventions, il devait être victime de la férocité du lion, avait assisté à toute la scène. Il avait vu son camarade capturé, emporté, ligoté et enfin jeté dans la deuxième grotte.

Sand fut plongé dans un affreux désespoir. Pourquoi s’était-on emparé de Dick ?… Pourquoi l’avait-on frappé ?… Pourquoi Fred Moore l’avait-il emporté ?… Qu’avait-on fait de lui ?… On l’avait tué, peut-être !… À moins qu’il fût seulement blessé, et qu’il attendît du secours.

Dans ce cas, Sand lui en apporterait. Il s’élança à l’assaut de la montagne, grimpa comme un chamois jusqu’à la grotte supérieure, redescendit la galerie étroite qui réunissait les deux systèmes. Moins d’un quart d’heure plus tard, il arrivait au bas de la pente, à l’endroit où la galerie s’épanouissait pour former le ténébreux évidement creusé en plein massif, dans lequel Dick avait été incarcéré.

Par le passage faisant communiquer cet évidement avec la caverne extérieure, un peu de lumière filtrait. Par là arrivaient également, sourdes, effacées, les voix de Lewis Dorick et de ses quatre complices. Sand, comprenant la nécessité de la prudence, ralentit son allure et s’approcha de son ami à pas de loup.

Les mousses, en leur qualité d’apprentis marins, ont toujours un couteau en poche. Sand eut tôt fait d’ouvrir le sien et de couper les liens du prisonnier. À peine libre de ses mouvements, celui-ci, sans prononcer un seul mot, courut vers la galerie par laquelle lui était venu le salut. Il ne s’agissait pas d’une plaisanterie. Lui seul savait, grâce aux quelques mots surpris, à quel point la situation était grave et combien il importait d’agir vite. C’est pourquoi, sans perdre son temps à de vains remerciements,