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— Pourquoi faire ?

— C’est mon idée… Quand on sera débarrassé du Kaw-djer, il faudra être les maîtres… La poudre pourra nous servir.

— Où la mettras-tu, en attendant ?

— J’ai une cachette sûre. Ne t’inquiète pas. »

Kennedy obéit de mauvaise grâce. Un quart d’heure plus tard, le second baril était déposé à côté du premier.

L’un d’eux fut rapidement placé contre la cloison de gauche, puis, vers le bas, Kennedy le perça d’un trou, par où une petite quantité de poudre s’écoula.

Pendant ce temps, Dorick avait sorti de sa poche une sorte de tresse faite de brins de coton lâchement entrelacés. Cette tresse, qu’il avait eu soin d’humecter au préalable, il la roula dans la poudre, puis, en prélevant un bout d’un coup de couteau, il alluma cet échantillon à titre d’expérience. Le feu grésilla, courut, s’éteignit.

« Parfait ! déclara Dorick. Cinq centimètres pour une minute. Donc, la mèche entière en durera vingt. C’est plus qu’il ne nous en faut. »

Il se rapprocha du baril…

À ce moment, un bruit violent se fit entendre. Dorick s’arrêta sur place. Kennedy et lui se regardèrent. Ils étaient livides…

Leur angoisse fut courte. Dorick, reprenant son sang-froid, se mit à rire.

« La pluie », dit-il en haussant les épaules.

Il alla jusqu’à la porte et regarda au dehors. La pluie tombait à verse, en effet, et le bruit qui les avait épouvantés était celui des gouttes qui crépitaient furieusement contre le toit. En somme, c’était une circonstance favorable. La pluie effacerait toutes les traces, et rien ne pourrait les dénoncer, si par hasard les soupçons se portaient sur eux. D’autre part, ce vacarme couvrirait l’inévitable pétillement de la mèche.

Par exemple, il n’y avait pas de temps à perdre. Le ciel s’empourprait déjà vers l’Est. Dans quelques instants, il ferait grand jour, et Dorick connaissait assez les habitudes du Kaw-djer pour savoir que celui-ci ne tarderait pas beaucoup à paraître au dehors.

« Vite ! » dit-il.

La mèche déroulée, l’un des bouts fut introduit dans le ton-