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rure bien solide qui fermait la porte du Tribunal. Celle-ci céda aux premières pesées et s’ouvrit béante sur les ténèbres intérieures.

Kennedy entra, laissant Dorick en surveillance au dehors.

On ne voyait goutte dans la salle. Kennedy frotta une allumette et alluma une bougie. Il savait où il allait, Dorick lui ayant soigneusement fait sa leçon. Des trois cloisons limitant la pièce dans laquelle il pénétrait, celle de droite séparait le Tribunal de la prison ; celle de gauche était commune avec le gouvernement proprement dit qui servait en même temps de domicile au Kaw-djer. Derrière celle qui lui faisait face, c’était l’entrepôt.

Kennedy traversa obliquement la salle, jusqu’à l’encoignure formée par la jonction de cette dernière cloison avec celle de la prison. La prison étant vide pour l’instant, personne, par conséquent, ne pourrait l’entendre. Là, il fit halte et, promenant sa bougie contre la paroi, examina la manière dont il convenait de procéder.

Il sourit joyeusement. Percer cette cloison ne serait qu’un jeu. Bâtie dès les premiers jours qui avaient suivi le coup d’État du Kaw-djer, à un moment où l’essentiel était d’aller vite, cette cloison ne constituait pas un bien sérieux obstacle. Elle était faite de madriers verticaux encastrés à leurs extrémités dans le plafond et dans le plancher, et laissant entre eux des intervalles qu’on avait remplis avec des pierrailles noyées dans un mortier de qualité médiocre et dont la dureté n’était pas des plus grandes. Le couteau de Kennedy entama sans peine ce mortier, et peu à peu les pierres descellées sortirent de leurs alvéoles. Il n’y avait à craindre que le bruit de leur chute. C’est pourquoi, dès qu’elles étaient ébranlées, Kennedy les arrachait une à une et les déposait doucement sur le sol.

En une heure il eut pratiqué un trou de taille à lui livrer passage dans le sens de la hauteur. En largeur également, ce trou eût été suffisant, sans un madrier qui le traversait, et qu’il était, par conséquent, nécessaire de couper. Ce fut la partie la plus pénible du travail. Une heure encore fut employée à le mener à bonne fin.

De temps à autre, Kennedy s’arrêtait et prêtait l’oreille aux bruits extérieurs. Tout était tranquille. Aucun appel des guetteurs n’annonçait l’approche d’un danger.

Lorsque le trou fut assez grand, il passa de l’autre côté de la