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— On gagne de l’argent à l’île Hoste !…

— Parfaitement. En travaillant pour la colonie qui emploie et qui paie.

— La colonie a donc de l’argent, elle aussi ?… Voilà du nouveau, par exemple !

— La colonie n’a pas d’argent, expliqua le Kaw-djer, mais elle s’en procure en vendant les vivres qu’elle est seule à posséder. Vous devez en savoir quelque chose, puisqu’il vous faut payer les vôtres.

— C’est vrai, reconnut Mme  Rhodes. Mais s’il ne s’agit que d’un échange, si les colons sont obligés de rendre pour se nourrir ce qu’ils ont gagné par leur travail, je ne vois pas très bien comment ils deviendront mes clients.

— Soyez tranquille, madame Rhodes. Les prix ont été établis par moi, et ils sont tels que les colons peuvent faire de petites économies.

— Alors, qui donne la différence ?

— C’est moi, madame Rhodes.

— Vous êtes donc bien riche, Kaw-djer ?

— Il paraît.

Mme  Rhodes regarda son interlocuteur d’un air ébahi. Celui-ci ne sembla pas s’en apercevoir.

— Je considère comme très important, madame Rhodes, reprit-il avec fermeté, que votre magasin soit ouvert à bref délai.

— Comme il vous plaira, Kaw-djer », accorda Mme  Rhodes sans enthousiasme.

Cinq jours plus tard, le Kaw-djer était obéi. Quand, le 20 novembre, Karroly revint avec la Wel-Kiej, il trouva le bazar Rhodes en plein fonctionnement.

Karroly revenait seul, après avoir débarqué M. Rhodes à Punta-Arenas ; il ne put répondre autre chose aux questions anxieuses de Mme  Rhodes, qui demanda tout aussi vainement des explications au Kaw-djer. Celui-ci se contenta de l’assurer qu’elle ne devait concevoir aucune inquiétude, mais simplement s’armer de patience, l’absence de M. Rhodes devant se prolonger assez longtemps encore.

Quant à Karroly, il était émerveillé de ce qu’il voyait. Quel changement en moins d’un mois ! Libéria n’était plus reconnais-