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du sang.

Le défilé de ceux qui venaient se réfugier à Libéria dura interminablement. Pendant tout l’hiver, il en arriva chaque jour. L’île Hoste semblait être un réservoir inépuisable, et on eût dit vraiment qu’elle rendait plus de misérables qu’elle n’en avait reçu. Ce fut au début de juillet que le flot atteignit son maximum, puis il se ralentit de jour en jour, pour cesser définitivement le 29 septembre.

Ce jour-là, on vit encore un émigrant descendre des hauteurs et se traîner péniblement jusqu’au campement. À demi-nu, d’une maigreur de squelette, il était dans un état lamentable. Il s’affaissa en arrivant aux premières maisons.

Pareille aventure était trop ordinaire pour qu’on s’émût outre mesure. On releva le malheureux, on le réconforta, et l’on ne s’occupa plus de lui.

La source, à partir de ce moment, fut tarie. Qu’en fallait-il inférer ? Que ceux dont on était sans nouvelles avaient eu meilleure fortune, ou bien qu’ils étaient morts ?

Plus de sept cent cinquante colons étaient alors revenus à la côte, au dernier degré, pour la plupart, de la dégradation physique et de l’affaissement moral. Ces organismes affaiblis offraient aux maladies le meilleur des terrains, et le Kaw-djer se surmenait à lutter contre elles. À mesure que l’hiver avançait, les décès se multipliaient. C’était une véritable hécatombe.