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dessiner dans la foule, de même que des îlots s’élèvent hors de la surface unie d’un fleuve.

L’un de ces groupements était formé du Kaw-djer, des deux Fuégiens, d’Hartlepool et de la famille Rhodes. Autour de lui gravitait l’équipage du Jonathan, y compris Dick et Sand, comme un satellite autour d’un centre d’attraction.

Un deuxième groupe, également composé de gens tranquilles et sérieux, comprenait les quatre travailleurs embauchés par la Compagnie de colonisation, Smith, Wright, Lawson et Fock, et une quinzaine des ouvriers embarqués sur le Jonathan à leurs risques et périls.

Le troisième ne comptait que cinq membres : les cinq Japonais qui vivaient dans le silence et le mystère, et dont on n’apercevait presque jamais les faces jaunes et les yeux bridés.

Un quatrième reconnaissait pour chef Ferdinand Beauval. Dans le champ magnétique du tribun évoluaient une cinquantaine d’émigrants. Quinze à vingt de ceux-ci méritaient le qualificatif d’ouvriers. Le surplus provenait de la grande masse agricole.

Le cinquième, assez réduit comme nombre, s’inspirait de Lewis Dorick. À ce dernier étaient plus particulièrement inféodés le matelot Kennedy, le maître-coq Sirdey, et cinq ou six individus unanimes à se réclamer de la classe ouvrière, mais dont la moitié au moins appartenaient avec évidence à la corporation des malfaiteurs de profession. Moins activement que passivement, Lazare Ceroni, John Rame et une douzaine d’alcooliques que leur avachissement transformait en pantins, se rattachaient à ce noyau de militants.

Un sixième et dernier groupe absorbait tout le surplus de la foule. Cette foule se divisait assurément en un grand nombre d’autres fractions distinctes, au gré des sympathies et des antipathies individuelles, mais, dans son ensemble, elle avait ce caractère commun de n’en avoir aucun, d’être flottante, inerte, en état d’équilibre indifférent, et prête par conséquent à obéir à toutes les impulsions.

Restaient les isolés, les indépendants, tels que Fritz Gross, parvenu au dernier degré de l’abrutissement, les frères Moore auxquels leur nature violente interdisait de fréquenter plus de