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dont l’auditoire fut bientôt réduit à son ordinaire noyau de fidèles.

Harry Rhodes, accompagné de Germain Rivière, se mêlant au groupe formé par les deux Fuégiens et le Kaw-djer, mit celui-ci au courant des événements, lui fit connaître la réponse du gouverneur de Punta-Arenas, et lui exposa les angoisses des émigrants redoutant la rigueur d’un hiver antarctique.

Sur ce dernier point, le Kaw-djer rassura son interlocuteur. L’hiver, en Magellanie, est à la fois moins rude et moins long qu’en Islande, au Canada ou dans les États septentrionaux de l’Union américaine, et le climat de l’Archipel vaut bien, à tout prendre, celui de la basse Afrique, où se rendait le Jonathan.

« J’en accepte l’augure, dit Harry Rhodes, conservant néanmoins un peu de scepticisme. Quoi qu’il en soit, ne serait-il pas, en tout cas, préférable d’hiverner sur la Terre de Feu, qui offre peut-être quelques ressources, plutôt que sur l’île Hoste où nous n’avons jusqu’ici rencontré âme qui vive ?

— Non, répondit le Kaw-djer. Se transporter sur la Terre de Feu n’aurait aucun avantage et présenterait au contraire de grands inconvénients au point de vue du matériel qu’on serait contraint d’abandonner. Il faut rester sur l’île Hoste, mais quitter sans retard l’endroit où l’on a campé jusqu’ici.

— Pour aller où ?

— À la baie Scotchwell que nous avons contournée pendant notre excursion. Là, nous trouverons sans peine un emplacement convenable pour les maisons démontables provenant de la cargaison du Jonathan, alors qu’il n’existe pas ici un pouce de terrain plat.

— Quoi ! s’écria Harry Rhodes, vous conseillez de transporter à deux milles d’ici un matériel aussi lourd et de procéder à une véritable installation !

— C’est absolument nécessaire, affirma le Kaw-djer. Outre que l’exposition de la baie Scotchwell est excellente et à l’abri des vents d’Ouest et du Sud, la rivière qui s’y jette fournira l’eau potable en abondance. Quant à s’installer plus sérieusement, non seulement c’est nécessaire, mais c’est urgent. Le grand ennemi dans cette région, c’est l’humidité. Il importe avant tout de se défendre contre elle. J’ajoute qu’il n’y a pas de temps à perdre, l’hiver pouvant débuter d’un jour à l’autre.

— Vous devriez dire tout cela à nos compagnons, proposa