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les indes-noires.

James Starr, vivement intéressé, examinait d’un œil grave l’endroit où il se trouvait.

On voyait encore sur la paroi terminale de cette caverne la marque des derniers coups de pic, et même quelques trous de cartouches, qui avaient provoqué l’éclatement de la roche, vers la fin de l’exploitation. Cette matière schisteuse était extrêmement dure, et il n’avait pas été nécessaire de remblayer les assises de ce cul-de-sac, au fond duquel les travaux avaient dû s’arrêter. Là, en effet, venait mourir le filon carbonifère, entre les schistes et les grès du terrain tertiaire. Là, à cette place même, avait été extrait le dernier morceau de combustible de la fosse Dochart.

« C’est ici, monsieur James, dit Simon Ford en soulevant son pic, c’est ici que nous attaquerons la faille[1], car, derrière cette paroi, à une profondeur plus ou moins considérable, se trouve assurément le nouveau filon dont j’affirme l’existence.

— Et c’est à la surface de ces roches, demanda James Starr, que vous avez constaté la présence du grisou ?

— Là même, monsieur James, répondit Simon Ford, et j’ai pu l’allumer rien qu’en approchant ma lampe, à l’affleurement des feuillets. Harry l’a fait comme moi.

À quelle hauteur ? demanda James Starr.

À dix pieds au-dessus du sol », répondit Harry.

James Starr s’était assis sur une roche. On eût dit que, après avoir humé l’air de la caverne, il regardait les deux mineurs, comme s’il se fût pris à douter de leurs paroles, si affirmatives cependant.

C’est que, en effet, l’hydrogène protocarboné n’est pas complètement inodore, et l’ingénieur était tout d’abord étonné que son odorat, qu’il avait très fin, ne lui eût pas révélé la présence du gaz explosif. En tout cas, si ce gaz était mêlé à l’air ambiant, ce n’était qu’à bien faible dose. Donc, pas d’explosion à craindre, et l’on pouvait sans danger ouvrir la lampe de sûreté pour tenter l’expérience, ainsi que le vieux mineur l’avait déjà fait.

Ce qui inquiétait James Starr en ce moment, ce n’était donc pas qu’il y eût trop de gaz mélangé à l’air, c’était qu’il n’y en eût pas assez, — et même pas du tout.

  1. La faille est la portion du massif où manque le filon, et elle se compose ordinairement de grès ou de schiste.