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phénoménale végétation, — telle, sans doute, qu’elle se produit peut-être à la surface des planètes inférieures, Vénus ou Mercure, plus rapprochées que la terre de l’astre radieux.

Le sol des continents, encore mal fixé, se couvrit donc de forêts immenses. L’acide carbonique, si propre au développement du règne végétal, abondait. Aussi les végétaux se développaient-ils sous la forme arborescente. Il n’y avait pas une seule plante herbacée. C’étaient partout d’énormes massifs d’arbres, sans fleurs, sans fruits, d’un aspect monotone, qui n’auraient pu suffire à la nourriture d’aucun être vivant. La terre n’était pas prête encore pour l’apparition du règne animal.

Voici quelle était la composition de ces forêts antédiluviennes. La classe des cryptogames vasculaires y dominait. Les calamites, variétés de prêles arborescentes, les lépidodendrons, sortes de lycopodes géants, hauts de vingt-cinq ou trente mètres, larges d’un mètre à leur base, des astérophylles, des fougères, des sigillaires de proportions gigantesques, dont on a retrouvé des empreintes dans les mines de Saint-Étienne, — toutes plantes grandioses alors, auxquelles on ne reconnaîtrait d’analogues que parmi les plus humbles spécimens de la terre habitable, — tels étaient, peu variés dans leur espèce, mais énormes dans leur développement, les végétaux qui composaient exclusivement les forêts de cette époque.

Ces arbres noyaient alors leur pied dans une sorte d’immense lagune, rendue profondément humide par le mélange des eaux douces et des eaux marines. Ils s’assimilaient avidement le carbone qu’ils soutiraient peu à peu de l’atmosphère, encore impropre au fonctionnement de la vie, et on peut dire qu’ils étaient destinés à l’emmagasiner, sous forme de houille, dans les entrailles mêmes du globe.

En effet, c’était l’époque des tremblements de terre, de ces secouements du sol, dus aux révolutions intérieures et au travail plutonique, qui modifiaient subitement les linéaments encore incertains de la surface terrestre. Ici, des intumescences qui devenaient montagnes ; là, des gouffres que devaient emplir des océans ou des mers. Et alors, des forêts entières s’enfonçaient dans la croûte terrestre, à travers les couches mouvantes, jusqu’à ce qu’elles eussent trouvé un point d’appui, tel que le sol primitif des roches granitoïdes, ou que, par le tassement, elles formassent un tout résistant.

En effet, l’édifice géologique se présente suivant cet ordre dans les entrailles du globe : le sol primitif, que surmonte le sol de remblai, composé des terrains primaires, puis les terrains secondaires dont les gisements houillers occupent