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le pénitent.

— Ah ! voilà, répondit Simon Ford. Il y a longtemps déjà, Silfax, dont la cervelle, je vous l’ai dit, a toujours été dérangée, prétendait avoir des droits sur l’ancienne Aberfoyle. Aussi son humeur devenait-elle de plus en plus farouche à mesure que la fosse Dochart, — sa fosse ! — s’épuisait ! Il semblait que ce fussent ses propres entrailles que chaque coup de pic lui arrachât du corps ! — Tu dois te souvenir de cela, Madge ?

— Oui, Simon, répondit la vieille Écossaise.

— Cela me revient maintenant, reprit Simon Ford, depuis que j’ai vu le nom de Silfax sur cette porte ; mais, je le répète, je le croyais mort, et je ne pouvais imaginer que cet être malfaisant, que nous avons tant cherché, fût l’ancien pénitent de la fosse Dochart !

— En effet, dit James Starr, tout s’explique. Un hasard a révélé à Silfax l’existence du nouveau gisement. Dans son égoïsme de fou, il aura voulu s’en constituer le défenseur. Vivant dans la houillère, la parcourant nuit et jour, il aura surpris votre secret, Simon, et su que vous me demandiez en toute hâte au cottage. De là, cette lettre contradictoire de la vôtre ; de là, après mon arrivée, le bloc de pierre lancé contre Harry et les échelles détruites du puits Yarow ; de là, l’obturation des fissures à la paroi du nouveau gisement ; de là, enfin, notre séquestration, puis notre délivrance, qui s’est accomplie grâce à la secourable Nell, sans doute, à l’insu et malgré ce Silfax !

— Vous venez de raconter les choses comme elles ont évidemment dû se passer, monsieur James, répondit Simon Ford. Le vieux pénitent est certainement fou, maintenant !

— Cela vaut mieux, dit Madge.

— Je ne sais, reprit James Starr en secouant la tête, car ce doit être une folie terrible que la sienne ! Ah ! je comprends que Nell ne puisse songer à lui sans épouvante, et je comprends aussi qu’elle n’ait pas voulu dénoncer son grand-père ! Quelles tristes années elle a dû passer près de ce vieillard !

— Bien tristes ! répondit Simon Ford, entre ce sauvage et son harfang, non moins sauvage que lui ! Car, bien sûr, il n’est pas mort, cet oiseau ! Ce ne peut être que lui qui a éteint notre lampe, lui qui a failli couper la corde à laquelle étaient suspendus Harry et Nell !…

— Et je comprends, dit Madge, que la nouvelle du mariage de sa petite-fille avec notre fils semble avoir exaspéré la rancune et redoublé la rage de Silfax !

— Le mariage de Nell avec le fils de celui qu’il accuse de lui avoir volé le dernier gisement des Aberfoyle ne peut, en effet, qu’avoir porté son irritation au comble ! reprit Simon Ford.