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les indes-noires.

— Tu t’y feras, Nell, répondit Harry. Tu te feras à cette immensité du monde extérieur, et peut-être oublieras-tu alors notre sombre houillère !

— Jamais, Harry ! » répondit Nell.

Et elle appuya sa main sur ses yeux, comme si elle eût voulu refaire dans son esprit le souvenir de tout ce qu’elle venait de quitter.

Entre les maisons endormies de la ville, James Starr et ses compagnons traversèrent Leith-Walk. Ils contournèrent Calton-Hill, où se dressaient dans la pénombre l’Observatoire et le monument de Nelson. Ils suivirent la rue du Régent, franchirent un pont, et arrivèrent par un léger détour à l’extrémité de la Canongate.

Aucun mouvement ne se faisait encore dans la ville. Deux heures sonnaient au clocher gothique de Canongate-Church.

En cet endroit, Nell s’arrêta.

« Quelle est cette masse confuse ? demanda-t-elle en montrant un édifice isolé qui s’élevait au fond d’une petite place.

— Cette masse, Nell, répondit James Starr, c’est le palais des anciens souverains de l’Écosse, Holyrood, où se sont accomplis tant d’événements funèbres ! Là, l’historien pourrait évoquer bien des ombres royales, depuis l’ombre de l’infortunée Marie Stuart jusqu’à celle du vieux roi français Charles X ! Et pourtant, malgré ces funèbres souvenirs, lorsque le jour sera venu, Nell, tu ne trouveras pas à cette résidence un aspect trop lugubre ! Avec ses quatre grosses tours crénelées, Holyrood ne ressemble pas mal à quelque château de plaisance, auquel le bon plaisir de son propriétaire a conservé son caractère féodal ! — Mais continuons notre marche. Là, dans l’enceinte même de l’ancienne abbaye d’Holyrood, se dressent ces roches superbes de Salisbury que domine l’Arthur-Seat. C’est là que nous monterons. C’est à sa cime, Nell, que tes yeux verront le soleil apparaître au-dessus de l’horizon de mer. »

Ils entrèrent dans le Parc du Roi. Puis, s’élevant graduellement, ils traversèrent Victoria-Drive, magnifique route circulaire, praticable aux voitures, que Walter Scott se félicite d’avoir obtenue avec quelques lignes de roman.

L’Arthur-Seat n’est, à vrai dire, qu’une colline haute de sept cent cinquante pieds, dont la tête isolée domine les hauteurs environnantes. En moins d’une demi-heure, par un sentier tournant qui en rendait l’ascension facile, James Starr et ses compagnons atteignirent le crâne de ce lion auquel ressemble l’Arthur-Seat, lorsqu’on l’observe du côté de l’ouest.

Là, tous quatre s’assirent, et James Starr, toujours riche de citations empruntées au grand romancier écossais, se borna à dire :