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un lever de soleil.

Nell vit l’eau brillante qui ondulait à ses pieds sous l’action du ressac et semblait constellée d’étoiles tremblotantes.

« Est-ce un lac ? demanda-t-elle.

— Non, répondit Harry, c’est un vaste golfe avec des eaux courantes, c’est l’embouchure d’un fleuve, c’est presque un bras de mer. Prends un peu de cette eau dans le creux de ta main, Nell, et tu verras qu’elle n’est pas douce comme celle du lac Malcolm. »

La jeune fille se baissa, trempa sa main dans les premiers flots et la porta à ses lèvres.

« Cette eau est salée, dit-elle.

— Oui, répondit Harry, la mer a reflué jusqu’ici, car la marée est pleine. Les trois quarts de notre globe sont recouverts de cette eau salée, dont tu viens de boire quelques gouttes !

— Mais si l’eau des fleuves n’est que celle de la mer que leur versent les nuages, pourquoi est-elle douce ? demanda Nell.

— Parce que l’eau se dessale en s’évaporant, répondit James Starr. Les nuages ne sont formés que par l’évaporation et renvoient sous forme de pluie cette eau douce à la mer.

— Harry, Harry ! s’écria alors la jeune fille, quelle est cette lueur rougeâtre qui enflamme l’horizon ? Est-ce donc une forêt en feu ? »

Et Nell montrait un point du ciel, au milieu des basses brumes qui se coloraient dans l’est.

« Non, Nell, répondit Harry. C’est la lune à son lever.

— Oui, la lune ! s’écria Jack Ryan, un superbe plateau d’argent que les génies célestes font circuler dans le firmament, et qui recueille toute une monnaie d’étoiles !

— Vraiment, Jack ! répondit l’ingénieur en riant, je ne te connaissais pas ce penchant aux comparaisons hardies !

— Eh ! monsieur Starr, ma comparaison est juste ! Vous voyez bien que les étoiles disparaissent à mesure que la lune s’avance. Je suppose donc qu’elles tombent dedans !

— C’est-à-dire, Jack, répondit l’ingénieur, que c’est la lune qui éteint par son éclat les étoiles de sixième grandeur, et voilà pourquoi celles-ci s’effacent sur son passage.

— Que tout cela est beau ! répétait Nell, qui ne vivait plus que par le regard. Mais je croyais que la lune était toute ronde ?

— Elle est ronde quand elle est pleine, répondit James Starr, c’est-à-dire