Harry regardait gravement Jack. Il le laissait parler, sans même essayer de lui répondre.
« Ce que je dis là ne te rend pas jaloux, Harry ? demanda Jack Ryan d’un ton un peu plus sérieux.
— Non, Jack, répondit tranquillement Harry.
— Cependant, si tu ne fais pas de Nell ta femme, tu n’as pas la prétention qu’elle reste vieille fille ?
— Je n’ai aucune prétention », répondit Harry.
Une oscillation de l’échelle vint alors permettre aux deux amis de se séparer, l’un pour descendre, l’autre pour remonter le puits. Cependant, ils ne se séparèrent pas.
« Harry, dit Jack, crois-tu que je t’aie parlé sérieusement tout à l’heure à propos de Nell ?
— Non, Jack, répondit Harry.
— Eh bien, je vais le faire alors !
— Toi, parler sérieusement !
— Mon brave Harry, répondit Jack, je suis capable de donner un bon conseil à un ami.
— Donne, Jack.
— Eh bien, voilà ! Tu aimes Nell de tout l’amour dont elle est digne, Harry ! Ton père, le vieux Simon, ta mère, la vieille Madge, l’aiment aussi comme si elle était leur enfant. Or, tu aurais bien peu à faire pour qu’elle devînt tout à fait leur fille ! — Pourquoi ne l’épouses-tu pas ?
— Pour t’avancer ainsi, Jack, répondit Harry, connais-tu donc les sentiments de Nell ?
— Personne ne les ignore, pas même toi, Harry, et c’est pour cela que tu n’es point jaloux ni de moi, ni des autres. — Mais voici l’échelle qui va descendre, et…
— Attends, Jack, dit Harry, en retenant son camarade, dont le pied avait déjà quitté le palier pour se poser sur l’échelon mobile.
— Bon, Harry ! s’écria Jack en riant, tu vas me faire écarteler !
— Écoute sérieusement, Jack, répondit Harry, car, à mon tour, c’est sérieusement que je parle.
— J’écoute… jusqu’à la prochaine oscillation, mais pas plus !
— Jack, reprit Harry, je n’ai point à cacher que j’aime Nell. Mon plus vif désir est d’en faire ma femme…
— Bien, cela.