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les frères kip.

semblait briller une flamme alcoolique, museau pointu, pourrait-on dire, dents de rat, physionomie rusée, intelligente. Parfaitement capable d’aider à un mauvais coup, comme son compagnon qui le savait bien, ils se valaient et pouvaient compter l’un sur l’autre.

« Il faut pourtant en finir… dit Flig Balt d’une voix dure, en frappant la table du poing.

— Il n’y a qu’à choisir dans le tas ! » répliqua Vin Mod.

Et il montrait les groupes buvant, chantant, sacrant à travers les vapeurs d’alcool et de tabac qui épaississaient l’atmosphère de cette salle. On se fût grisé rien qu’en respirant.

Flig Balt, âgé de trente-huit à trente-neuf ans, était de taille moyenne, large d’épaules, la tête forte, la membrure vigoureuse. Sa figure, on n’aurait pu l’oublier, ne l’eût-on vue qu’une fois : grosse verrue à la joue gauche, yeux d’une effrayante dureté, sourcils épais et frisottants, barbiche rougeâtre à l’américaine, sans moustaches, bref la physionomie d’un homme haineux, jaloux, vindicatif. À son premier voyage sur le James-Cook, il avait embarqué comme maître quelques mois auparavant. Originaire de Queenstown, un port du Royaume-Uni, ses papiers le déclaraient Irlandais de naissance. Mais, courant les mers depuis une vingtaine d’années, on