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LES FRÈRES KIP

fiter !… Et, si ce n’est pas aujourd’hui ni demain,… plus tard… dans ces parages de la Papouasie… au milieu de ces archipels où la police ne vous gêne guère !… Une supposition, par exemple… l’armateur et quelques autres, le fils Gibson, deux ou trois matelots ne reviennent pas à bord un soir… On ignore ce qu’ils sont devenus… Le brick repart, n’est-ce pas ?… »

Et ces criminelles pensées, Vin Mod, parlant à voix basse, les soufflait pour ainsi dire dans l’oreille de Flig Balt. Décidé à ne point le laisser faiblir, résolu à le pousser jusqu’au bout, il ne put retenir un formidable juron, lorsque le maître d équipage lui envoya pour la troisième fois sa peu encourageante réponse :

« Des mots, tout ça… rien que des mots ! »

Vîn Hod lança encore un horrible juron qui, cette fois, se fit entendre jusque dans la salle du rouf, M. Gibson, se levant de table, parut à la porte de l’arrière.

« Qu’y a-t-il donc ?… demanda-t-il.

— Rien, monsieur Gibson, répondit Flig Balt, une embardée qui a failli étaler Vin Mod sur le pont…

— J’ai cru que j’allais être envoyé par-dessus les bastingages !… ajouta le matelot.

— Le vent est vif, la mer dure, dit M. Gibson, après avoir examiné d’un rapide coup d’œil la voilure du brick,

— La brise tend à haler l’est, fit observer Flig Balt.

— En effet, arrive un peu, Mod… Il n’y a pas d’inconvénient à se rapprocher de terre. »

Puis, cet ordre donné et exécuté, M. Gibson rentra dans le rouf.

« Ah ! murmura Vin Mod, si vous commandiez le James-Cook, maître Balt, au lieu de laisser porter, il loferait plutôt…

— Oui… mais je ne suis pas le capitaine ! répondit Flig Balt, qui se dirigea vers l’avant.