Page:Verne - Les Frères Kip, Tome I et II, 1903.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
VIN MOD À L’ŒUVRE.

pensée que cet aviso avait été envoyé de Dunedin à leur poursuite ; que la police, ayant appris leur embarquement et leur départ sur le brick, cherchait à les reprendre. Craintes exagérées et vaines, assurément. Il eût été plus simple d’envoyer par télégraphe l’ordre de les arrêter dès leur arrivée à Wellington. On ne détache pas un navire de l’État pour s’emparer de quelques matelots tapageurs, lorsqu’il est facile de les pincer au port.

Len Cannon et ses camarades ne tardèrent pas à être rassurés. L’aviso ne fit aucun signal pour entrer en communication avec le brick, et ne mit point d’embarcation à la mer. Le James-Cook ne serait pas l’objet d’une perquisition, et les recrues des Three-Magpies pouvaient être tranquilles à bord.

Mais, si toute crainte fut bannie de ce chef, on imagine aisément la colère qu’éprouvèrent le maître d’équipage et Vin Mod. Impossible d’agir cette nuit, et le lendemain le brick serait à son mouillage de Wellington, Se jeter sur le capitaine Gibson, sur les trois matelots, cela ne se ferait pas sans bruit. Ils résisteraient, ils se défendraient, ils crieraient, et leurs cris seraient entendus de l’aviso, qui ne se trouvait plus qu’à deux ou trois encablures… La révolte ne pouvait éclater dans ces conditions… Elle eût été promptement réprimée par le bâtiment anglais, qui, en quelques tours d’hélice, eut accosté le brick.

« Malédiction !… grommelait Vin Mod, Rien à faire !… On risquerait d’être envoyé à bout de vergues de ce damné bateau…

— Et demain, ajouta Flig Balt, l’armateur et Nat Gibson seront à bord ! »

Il aurait fallu s’éloigner de l’aviso, et peut-être le maître d’équipage l’eût-il tenté, si le capitaine, au lieu de regagner sa cabine, ne fût demeuré la plus grande partie de la nuit sur le pont. Impossible de prendre le large… Donc, nécessité de renoncer au projet de s’emparer du brick.