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LES FRÈRES KIP

— J’en connais qui ne regrettent pas d’avoir lâché leur bâtiment pour les gisements de la Clutha…

— Et moi… j’en connais… quatre, qui ne regretteront pas de s’être embarqués sur le James-Cook au lieu d’avoir filé à l’intérieur !

— C’est pour nous que tu dis cela ?…

— Pour vous et deux ou trois autres bons lurons de ton espèce…

— Et tu cherches à me fourrer dans la tête qu’un matelot gagne de quoi rire, manger et boire le restant de ses jours, à faire le cabotage pour le compte d’un capitaine et d’un armateur ?

— Non, certes…, répliqua Vin Mod, à moins qu’il ne le fasse pour son propre compte !…

— Et le moyen… quand on n’est pas propriétaire du navire ?…

— On peut quelquefois le devenir…

— Eh ! crois-tu donc que mes camarades et moi nous ayons de l’argent à la banque de Dunedin pour l’acheter ?…

— Non, l’ami… et, si vous avez jamais eu des économies, elles ont plutôt passé par les mains des Adam Fry et autres banquiers de cette sorte !…

— Eh bien, Mod, pas d’argent, pas de navire… et je ne pense pas que M. Gibson soit d’humeur à nous faire cadeau du sien…

— Non… mais enfin un malheur peut survenir… Si M. Gibson venait à disparaître… un accident, une chute à la mer… cela arrive aux meilleurs capitaines… Un coup de lame, il n’en faut pas plus pour vous déhaler… et, la nuit… sans qu’on s’en aperçoive… Puis le matin, plus personne… »

Len Cannon regardait Vin Mod, les yeux dans les yeux, se demandant s’il comprenait bien ce langage.

L’autre continua :

« Et alors, que se passe-t-il ?… On remplace le capitaine, et,