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LES FRÈRES KIP

minables grimaces. Il fallait voir à quel point cet indigène se montrait fier des tatouages de sa figure, de son torse et de ses membres, ce moko des Néo-Zélandais qui sillonne profondément la peau au lieu de l’entamer, ainsi que cela se fait chez les autres peuplades du Pacifique. Cette opération du moko n’est pas pratiquée sur tous les naturels. Non ! les koukis ou esclaves n’en sont point dignes, ni les gens de basse classe, à moins qu’ils ne se soient distingués à la guerre par quelque action d’éclat.

Aussi Koa en tirait-il une extraordinaire vanité.

Et, — ce qui paraissait intéresser fort Sexton et Kyle, — il entendait leur donner toute explication sur son tatouage, il racontait dans quelles circonstances sa poitrine avait été décorée de tel ou tel dessin, il signalait celui du front, représentant son nom gravé en caractères ineffaçables et que, pour rien au monde, d’ailleurs, il n’eût voulu effacer.

Au reste, chez les indigènes, le système cutané, grâce à ces opérations qui s’étendent à toute la surface du corps, gagne beaucoup en épaisseur et en solidité. De là une résistance plus grande aux froidures de ce climat pendant l’hiver, aux piqûres des moustiques, et combien d’Européens, à ce prix, se féliciteraient de pouvoir braver les attaques de ces maudits insectes !

Tandis que Koa, se sentant instinctivement poussé par une sympathie toute naturelle vers Sexton et son camarade, jetait ainsi les bases d’une étroite amitié, Vin Mod « travaillait » Len Cannon, lequel, de son côté, ne demandait qu’à le voir venir :

« Eh ! ami Cannon, dit Vin Mod, te voici donc à bord du James-Cook… Un bon navire, n’est-ce pas ? et qui vous file ses onze nœuds sans qu’on ait besoin de lui donner la main…

— Comme tu dis, Mod.

— Et, avec une belle cargaison dans le ventre, il vaut cher…

— Tant mieux pour l’armateur.