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LE FAIT NOUVEAU.

charge pour Hobart-Town, prenait des passagers de différentes classes. Karl et Pieter Kip, se contentant de la dernière, arrêtèrent leurs places sous un nom d’emprunt. Le lendemain, le steamer faisait route, cap au sud-ouest. Après une assez longue traversée, contrariée par les mauvais temps du Pacifique, il doubla l’extrême pointe de Port-Arthur et jeta l’ancre en rade d’Hobart-Town.

Tout ce qui vient d’être rapporté en quelques lignes, la ville en fut instruite dès les premières heures. Un revirement soudain se produisit en faveur des frères Kip ; et qui aurait pu s’en étonner ?… Ils étaient donc les victimes d’une erreur judiciaire ?… Ce n’était pas volontairement qu’ils avaient fui le pénitencier, et, dès qu’ils avaient eu l’occasion de quitter l’Amérique, ils étaient revenus en Tasmanie !… Et, maintenant, ne serait-il pas possible d’établir leur innocence sur des bases moins fragiles que de simples présomptions ?…

Aussitôt que cette nouvelle lui parvint, M. Hawkins se transporta à la prison, dont les portes lui furent tout de suite ouvertes. Un instant après, il se trouvait en présence des deux frères enfermés dans la même cellule.

Là, devant l’armateur, ils se levèrent, l’un tenant la main de l’autre.

« Monsieur Hawkins, dit Pieter Kip, ce n’est pas à vous que notre retour apporte un nouveau témoignage… Vous connaissiez la vérité depuis longtemps, et vous ne nous avez jamais crus coupables… Mais, cette vérité, il fallait la rendre évidente aux yeux de tous, et voilà pourquoi le Standard nous a ramenés à Hobart-Town. »

M. Hawkins était tellement ému que les paroles lui manquaient. Des larmes coulaient de ses yeux, et, enfin :

« Oui…, dit-il, oui… messieurs… c’est bien… c’est grand ce que vous avez fait !… C’est la réhabilitation qui vous attend ici…